En attendant le Déluge

En attendant le Déluge

Journal de confinement (3)

 

   Bon, les mesures se renforcent et se précisent; la pratique du cyclisme n'est plus possible; il faut rester tout près de chez soi, à la rigueur marcher dans le quartier muni de son attestation, faire ses petites courses et puis c'est tout. Etonnement de ma mère en maison de retraite: "mais c'est quoi cette histoire ? le monde est complètement fou ! c'est pire que pendant la guerre !" - Ma tante, dans la même maison, 90 ans, est plus sage au téléphone: elle comprend les restrictions, les interdictions de visites, elle en profite pour prier davantage; elle fait aussi du coloriage. 

 

  Mes copains jardinent et font des exercices physiques, ils envoient photos et commentaires sur le réseau whatsapp; ils sont d'accord avec le renforcement des mesures de confinement et se désolent de ceux qui ne les respectent pas, mais globalement une certaine bonne humeur conviviale se dégage des messages. Ma belle-soeur de la campagne m'a envoyé un lien que je suppose de type "complotiste", mais impossible à ouvrir; sans doute un "document" comme quoi le virus serait une opération montée; mais par qui ? et contre qui ? Les questions épidémiologiques et géopolitiques sont très complexes à démêler. On aimerait pouvoir dire comme M. De Villiers, "j'ai tiré sur le fil et tout le reste est venu..."

  

   Je ne lis pas beaucoup en ce moment, mais je devine les points de vue: pour l'extrême-gauche c'est la faillite du système libéral capitalistique mondialisé; pour l'extrême-droite, c'est au contraire son renforcement via cette crise sanitaire dont les conséquences économiques et sociales vont être sans doute redoutables; pour les centristes, gauche et droite modérées, c'est l'occasion de remettre de l'ordre dans les missions de l'Etat et d'en appeler aux "valeurs" publiques de la Nation (sans lesquelles les valeurs privées ne sont pas possibles) - Ce qui veut dire qu'il y aura des "efforts" à faire, des impôts supplémentaires à payer, voire une saisie partielle (ou totale !) des dépots bancaires; le ministre actuel de l'économie française a parlé de possibles "nationalisations"; et la nationalisation c'est toujours une confiscation des biens privés, pour l'intérêt général ! Votre argent n'est pas le vôtre, c'est un moyen d'échange, c'est donc un élément, très important, de votre participation à la collectivité. La crise sanitaire aura montré au passage qu'il n'y a pas d'Etat et pas de Nation sans une certaine discipline collective, assortie de sanctions s'il le faut; et bien souvent il le faut !

 

   Physiquement et moralement je suis un modéré, même si je peux fantasmer sur les points de vue extrémistes; être extrémiste c'est pouvoir prendre des risques, s'exposer, avoir un certain courage et une certaine force physiques (et la force peut donner du courage), le cas échéant c'est pouvoir casser la gueule ou se la faire casser. C'est le risque aussi de la prison, voire pire. J'en déduis que 95% des gens d'aujourd'hui, ici en France, ne sont pas extrémistes; qu'il y en ait parmi eux, mettons 20 à 30 %, qui soient tentés par l'extrémisme, cela veut dire, il me semble, qu'ils souhaitent l'éradication de tout extrémisme et la mise hors d'état de nuire de tous les extrémistes. Ce qui veut dire, aussi, par voie de conséquence et en toute bonne logique, que les  70 à 80 % qui ne sont pas tentés par l'extrémisme, sont en vérité et sans en avoir bien conscience les partisans d'une certaine tolérance envers l'extrémisme. Donc, la modération (électorale, comportementale, "sociétale"...) peut être complice de l'extrémisme; ou pour le dire autrement, c'est en étant gentil et trop gentil qu'on favorise la méchanceté, de même que les discours moralisateurs des "responsables", par exemple politiques, peuvent fort bien s'accommoder d'actions irresponsables et immorales de leur part; les moralistes d'autrefois (La Bruyère, La Rochefoucauld...) avaient fort bien vu que les hommes sont pétris de mensonges, de contradictions et de paradoxes, et qu'assurément leurs apparences et leurs opinions publiques ne disent rien de leurs pensées. Autrefois, d'ailleurs, les "pensées" désignaient des réflexions personnelles et privées; ce n'est qu'assez récemment au XXe siècle que les "penseurs" sont devenus des intellectuels publics, engagés voire enragés.

 

   Il n'est pas sûr que le confinement soit favorable au mode ancien des "pensées", mais plus probablement qu'il déclenchera un nouvel enragement des penseurs publics !         

                          

 



20/03/2020
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