En attendant le Déluge

En attendant le Déluge

Ovni bien au chaud

 

    Ovni a bien grandi et grossi; c'est aujourd'hui un jeune chat de 4 kilos, en parfaite santé, avec de très belles dents, ainsi que l'a constaté sa vétérinaire, moyennant 50 euros. Il dort beaucoup, se réveille comme moi vers 6 heures et demie, vient gratter à la porte de la chambre, pousse deux ou trois petits miaulements, avant que je n'ouvre, et descend les escaliers tout frétillant en direction de son sac de croquettes. Si je fais un crochet par les toilettes il n'hésite pas à entrouvrir la porte; je lui verse donc sa pitance, qu'il attaque méthodiquement, bien aligné devant la gamelle. Il n'en mange qu'un tiers environ, le reste lui fera la journée. Ensuite, deux possibilités: soit il réclame la sortie au grand air frais du matin, soit il vient lécher le fond de mon ramequin de fromage blanc. Disons que c'est un chat très organisé, un peu binaire dans son fonctionnement, même si la plupart de ses activités se déroulent hors de notre surveillance; comme tout félin il alterne le calme et la rapidité d'exécution; il peut rester de longues minutes assis sur une chaise en surveillant ce qui se passe dehors, une feuille qui bouge, un oiseau qui picore, un piéton qui discute derrière la haie... Mais brusquement, sans avertir personne, il peut sauter de la chaise et filer vers un autre point de vue.

 

   Un comportement dont j'essaie de m'inspirer en classe, puisqu'il est recommandé aux professeurs de varier les activités pédagogiques tout en donnant aux élèves (assis sur leurs chaises) le temps nécessaire de la réflexion. Evidemment je n'ai pas la souplesse d'Ovni, encore moins son petit air coquin et calin; et mes réactions manquent de fulgurance; je suis fort prévisible dans mon propos, dans mes gestes, dans mes points de vue; "vous occupez bien l'espace, vos déplacements sont bons" m'avait dit un inspecteur au début de ma carrière; certes, mais l'espace est petit et les déplacements sont stéréotypés. Ils relèvent plutôt de la cage que de la scène de théâtre (surtout avec les mises en scène contemporaines où les acteurs utilisent des bras articulés et des trappes coulissantes qui les font monter et descendre...).

 

   Je reviens d'un nouveau stage (scène en anglais); les profs tournent un peu en rond dans leurs propos et leurs attitudes; la pause café est fort appréciée, elle permet de faire groupe et d'échanger des doléances communes et semblables (faiblesse de l'échange par conséquent); les différents lycées de la ville sont représentés; la moitié refuse d'organiser les épreuves d'histoire-géo prévues pour les prochaines semaines; l'autre moitié accepte; dans l'un d'entre eux, fort bon lycée de centre-ville qui sélectionne un peu ses élèves, non seulement les sujets ont été choisis, mais les collègues ont déjà relevé des erreurs et des coquilles dans les documents joints. Dans mon lycée, rien de tel; j'expose (avec un peu d'humour) l'impréparation et les flottements qui règnent depuis le début de décembre. Disons qu'il y a des lycées homogènes et des lycées hétérogènes. Dans les premiers, les collègues ont le magistral facile mais sont partisans de nouvelles "activités interactives", qui les changent et les désennuient; "on s'éclate en enseignement de spécialité !" dit l'un d'entre eux; dans les seconds, le magistral est un peu chaotique et les nouvelles actvités bien peu éclatantes; les esprits sont fatigués. Le stage fait un peu ressortir cette autre différence: là, des collègues tranquilles, débonnaires, voire caustiques, et ici des collègues stressés, émoussés, résignés.

   Mais l'inspecteur est arrivé, les visages se sont tendus, quelques langues se sont déliées; une certaine mauvaise humeur générale, offensive chez les collègues en forme, défensive chez les autres, s'est fait entendre; l'inspecteur a répondu, moins facilement que la fois précédente (voir ma chronique "Retour de stage"); à deux ou trois reprises, il a répliqué en anglais: "so what ?"... et une autre réplique plus longue que je n'ai pas comprise... Mais l'acccent m'a paru fort juste. On a pu comprendre cela dit que les épreuves auront lieu "relativement normalement", et que le gouvernement en attend un bilan globalement positif ! - "Il faut changer de logiciel" a dit l'inspecteur, en parlant de nous les profs, de nos façons de faire, et en nous considérant par conséquent comme des machines (j'ai pensé alors à l'aphorisme d'un ami moraliste: "monsieur le robot, encore une minute"). "Vous aurez la maîtrise des choses..." a t-il ajouté, mais à condition de vous en emparer. Telle fut sa conclusion, qui nous a tous un peu laissés sur notre faim; il était l'heure d'aller manger.    

 

    Pendant ce temps, Ovni est resté bien au chaud à la maison !                            

 



14/01/2020
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