En attendant le Déluge

En attendant le Déluge

Vélo, voiture, lecture

 

   Le Giro est parti de Bologne et les coureurs un à un ont effectué la montée de San Luca; j'ai parlé de ce très beau parcours dans mon article consacré à notre séjour là-bas; les commentateurs de la chaîne L'Equipe n'ont pas une seule fois signalé l'aspect architectural tout à fait exceptionnel du site, je veux parler des portiques qui conduisent à l'église de San Luca; on ne peut que déplorer cette lacune journalistique; les chaînes de télé, il faut bien le dire, sont envahies de consultants dépourvus de culture générale, mais "spécialistes" de certains sujets ou de certains milieux où ils ont leurs "entrées" - Dans le domaine du "journalisme" sportif, surtout le cyclisme, la notion de "milieu" implique une bonne dose de "relations privées et privilégiées" avec des coureurs, des directeurs d'équipes, des managers de ceci et de cela... Résultat: on berne copieusement le téléspectateur, on le gave de commentaires superflus. J'en suis un mais ce gavage n'a pas vraiment eu d'effet visible sur ma physionomie, et ni sur mon esprit j'ose l'espérer. L'intellectuel hermétique Guy Debord a écrit des choses très radicales sur la "société du spectacle": que notre civilisation (occidentale) n'est plus que marchandise et consommation d'elle-même, en une sorte d'implosion voyeuriste de ses  représentations; les facultés de jugement et d'analyse, qui demandent du recul et du retrait, de l'isolement et de la patience studieuse, sont elles-mêmes altérées ou corrompues par le rythme visuel tonitruant de cette civilisation égocentrique et narcissique. Certains téléspectateurs du spectacle sportif, comme moi, cherchent à reprendre un peu de distance (de hauteur ?) et à cultiver un genre de réflexion réactionnaire: retour à la lecture-papier, éloge de la modestie et de la tranquillité, et pratique du vélo sur un mode prudent.

 

   Je lis beaucoup plus que mes collègues d'histoire-géo; certes, elles ne me disent pas tout de leurs loisirs, mais je sais qu'elles regardent régulièrement et fréquemment des séries américaines, dont j'ai oublié les titres; Victorine de son côté lit sur son portable, et un livre-papier de temps en temps; elle m'a montré tous les avantages de la lecture-écran, mais je reste fidèle aux livres papier et à leurs inconvénients; ils prennent beaucoup de place dans mon petit appartement et pour lire le soir je suis obligé d'allumer une lampe; et même de m'affaisser dans un fauteuil; quant à la pipe, il faudra que j'en parle à Victorine. Disons que ma façon de lire, traditionnelle voire réactionnaire, leste mon existence et lui donne un style classique; une manière assez posée et reposée de voir les choses, ou plutôt de ne pas les voir; le classicisme, cela étant, n'empêche pas de fréquenter la modernité, d'utiliser les écrans (quand j'écris ce blog par exemple), et même de changer de voiture !

 

   Mais oui, ma bonne vieille Laguna de 1999 a été recalée au contrôle technique: fuites, rotules usées, problème d'éclairage, la vieillesse quoi ! Le contrôleur a même été très surpris quand je lui ai dit qu'elle était passée chez le garagiste quelques jours auparavant. Drôle de garagiste entre nous ... Je reconnais, après coup, que l'ambiance du garage avec ses jeunes employés parlant de leur vie privée ("tu fais quoi ce soir ?") ne m'avait pas fait la meilleure impression; autre curiosité, aucune facture et rien à payer. Très louche tout de même quand on y réfléchit !

 

    Je suis donc allé voir un autre garagiste pour acheter une nouvelle voiture; en une demi heure l'affaire a été conclue; j'avais repéré au préalable le modèle qui pouvait me plaire et me convenir, une Clio* TCE 90 Zen, de couleur rouge flamme; 8000 km au compteur, mise en circulation l'an dernier. Le prix ? 12500 euros. Le garagiste n'a pas eu à beaucoup discuter, il a vu que je n'avais pas le sens commercial; et très vite nous nous sommes mis d'accord sur les formalités; nous avons même pu parler du beau temps, du vélo, de mon métier, et de ma bonne vieille Laguna qu'il a accepté de reprendre (un geste commercial en quelque sorte); il en a dit le plus grand bien, mais pour reconnaître qu'elle avait fait son temps et qu'il ne pourrait pas la réparer pour la revendre. Elle ira donc à la casse ? Hélas oui, m'a t-il répondu en devinant un peu ma peine. Autrefois, avant tous les contrôles techniques qu'à présent on nous impose, il y avait moyen de prolonger un peu les vieilles voitures, et elles n'étaient pas plus dangereuses que les neuves, il fallait juste les conduire avec prudence et précaution. Le garagiste, un peu plus jeune que moi, m'a paru regretter lui aussi cet autrefois à travers deux ou trois remarques sur ma Laguna de 1999. Pas sûr du tout que ma nouvelle Clio vive aussi longtemps...  

 

*: pour un professeur d'histoire, c'est le modèle qui s'impose !

                                                             .

 



15/05/2019
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