1222 km à vélo
666 km de Caen à La Rochelle et 556 de La Rochelle à Caen: tel fut notre parcours à vélo effectué en 13 jours; par conséquent, une moyenne de 94 km par jour; notre plus longue étape fut la dernière, de Gorron à Caen: 134 km; la plus courte, entre Esnandes au nord de La Rochelle et La Tranche sur mer, environ 60 km. Evidemment je tiens compte aussi des erreurs ou hésitations de parcours, surtout en ville, et des km effectués pour trouver un camping ou un réparateur vélo.
Parlons pratique justement: ce parcours s'appelle La Vélo-Francette, il a été ouvert en 2015, et tout le monde en dit beaucoup de bien (voir sites et blogs): voies balisées et sécurisées, parcours verdoyant qui longe les cours d'eau et traverse des contrées rurales fort paisibles, relief plutôt modéré, hébergement en camping ne posant pas trop de difficultés, mais pouvant en poser en saison touristique du côté de La Rochelle et du littoral atlantique. Disons que les campings balnéaires étoilés, avec piscines et wi-fi, ne comptent pas vraiment sur les cyclotouristes et leurs petites tentes pour remplir et rentabiliser leurs espaces. A La Rochelle le camping municipal du port des Minimes nous a donc refusés ainsi que d'autres cyclos arrivés en même temps que nous (vers 17 heures, deux heures trop tard selon Victorine); il y avait pourtant bien des petites places possibles, mais le jeune stagiaire de l'accueil, un peu sous pression, s'est très vite réclamé du règlement qui ne lui permettait pas de prendre une telle initiative... "Parfait petit fonctionnaire..." ont maugrée certains cyclos exténués. Là-dessus nous avons donc quitté La Rochelle, une ville qui pourtant se targue d'être un modèle de circulation douce en faveur des vélos; nous avons un peu erré en quittant le centre-ville, en direction d'un camping situé à 12 km au nord, sur la commune d'Esnandes.
Encore un mot de pratique: un parcours aussi long, même s'il est plutôt facile, nécessite de bons vélos, confortables et en bon état; j'ai connu deux soucis sur le mien (qui appartient en fait à Victorine); d'abord un souci de dérailleur, mal règlé, qui m'a empêché d'enclencher les petites vitesses pour monter les pentes les plus raides; ensuite et surtout, deux rayons de la roue arrière ont cassé en deux jours; j'ai voulu faire réparer, d'abord à Thouars, mais le magasin (une grande enseigne du camping et du cyclotourisme) n'avait pas les pièces; c'est un réparateur indépendant de Marans (recommandé par le Guide du Routard) qui a pris les choses en main, me faisant constater que le moyeu était abîmé, et que tous les rayons risquaient de céder d'un moment à l'autre; il a donc fallu changer la roue et patienter près d'une heure (raison pour laquelle nous sommes arrivés en retard au camping de La Rochelle...).
Le principal intérêt de ce périple à vélo est de pénétrer la France par les voies et les routes les plus petites, on pourrait même dire les plus "intimes"; pour un professeur d'histoire-géo (et de géopolitique !) c'est une expérience "brute", "directe", "vivante", et parfois inconfortable; assurément ce n'est pas la France des médias et des manuels scolaires que j'ai pu voir ! Ce qui frappe, d'abord, c'est le calme rural; nous avons effectué des km et des km sans croiser quasiment personne, notamment entre Ancenis et La Guerche de Bretagne, puis entre Gorron et Domfront. Le calme en question n'est pas "désertique" ou "vide" comme le disent les manuels; il est souvent rempli de vaches, parfois de moutons et de chevaux; il est surtout très "charmant", avec ses habitations isolées mais très soignées, très fleuries, avec ses villages-refuges aux murs épais, aux rues étroites, aux églises rustiques mais d'une sobriété qui appelle la quiétude. Deuxième impression majeure: malgré quelques situations d'abandon et de délabrement, notamment dans les centres des petites villes (comme Domfront), le goût et l'entretien du "patrimoine", la valorisation touristique et pédagogique des églises et des châteaux aboutissent à maintenir une "vie", un "souffle", voire à créer un élan; je pense ici au document (gratuit) disponible dans l'église abbatiale de Saint-Pierre d'Airvault, que je me suis empressé d'emporter (j'ai déposé deux euros dans le tronc); un document très illustré de 6 planches pour expliquer l'architecture et le fonctionnement de l'abbaye; on ne peut, je crois, qu'être impressionné, voire ému, par tous ces efforts intellectuels et esthétiques pour embellir les territoires "enclavés" du pays (il s'agit en l'occurrence du département des Deux-Sèvres) et donner encore un peu de méditation admirative ou contemplative à des visiteurs qui sans doute doivent agir et réfléchir dans l'urgence et parfois dans l'agressivité pendant le reste de l'année.
L'autre intérêt du tourisme à vélo, c'est l'effort simple et régulier qu'il demande, l'obligation d'une petite discipline et d'une assez forte organisation, toutes choses morales et mentales qui peuvent être mises à mal dans les différents métiers du monde post-moderne, où sont plutôt demandés des efforts heurtés, violents, où il faut courir dans toutes les directions, sans ne jamais quitter son portable... Je ne pense pas spécialement ici au métier de professeur, qui reste encore un métier "traditionnel" même s'il prétend se renouveler sans cesse... Disons que je songe à des métiers plus ingrats, psychologiquement, moralement, et même financièrement. Mais reconnaissons aussi que le périple à vélo nécessite une assez bonne santé physique et mentale, ainsi et surtout que deux à trois bonnes semaines de congés; on comprendra aisément que ce sont surtout des professeurs qui le pratiquent !
Beaucoup d'autres intérêts peuvent être vus et pris dans le périple à vélo; je pense aux cyclo-randonneurs qui ont le goût de l'architecture et des vieilles pierres, je pense aux cyclo-randonneurs qui étudient l'écologie, l'environnement, les cours d'eau, et pourquoi pas à ceux qui s'intéressent à la sociologie rurale, car l'espèce paysanne est aussi menacée de disparition que celle des abeilles !
Pour l'instant je m'en tiens à ces quelques observations générales; mais nul doute que ce périple m'a fait une certaine forte impression qui aura par la suite et à travers mon métier différentes occasions de s'exprimer.
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 4 autres membres