En attendant le Déluge

En attendant le Déluge

Au bord de la Dordogne

 

    Pour désigner la Dordogne corrézienne, certains dépliants touristiques parlent de la "riviera" limousine; et ils en signalent les nombreux atouts: la qualité de l'eau, idéale pour la pêche et la baignade, ou pour faire un tour en gabare, ce large bateau qui servait autrefois au transport des marchandises; à terre, on pourra se promener dans les rues de Beaulieu-sur-Dordogne, petite cité de "caractère" et d'un patrimoine exceptionnel (14 bâtiments classés, dont la chapelle des Pénitents, l'abbatiale Saint-Pierre, la rue Sainte-Catherine...). Quand il fait très chaud les visites d'églises sont toujours les bienvenues.

    Nous avons choisi un petit camping à 10 km au sud de Beaulieu pour poser nos affaires et reprendre nos circuits à vélo; nous ferons des petites boucles autour de la Dordogne; Victorine étudie minutieusement la carte, s'enquiert des ponts et des pentes (signalées par des chevrons). Les routes rurales "blanches" sont idéales pour le vélo; il faut éviter les jaunes et surtout les rouges (voies départementales pour les voitures et les camions); sur les blanches, donc, on peut rouler paisiblement, sans aucun stress, on prend le temps d'observer les champs, les cultures, les villages et leurs bâtiments (les maisons-granges de Saulières par exemple entre Beaulieu et Argentat-sur-Dordogne); ici ou là quelque présence humaine, un cantonnier (un agent de l'équipement !), un jardinier, un paysan âgé sur un vieux tracteur; l'agriculture méridionale de la Corrèze se consacre davantage aux arbres et aux fruits (fraises, pommes, noix) qu'à l'élevage; on devine beaucoup de petits sentiers boisés le long de la Dordogne.

    La présence touristique est très diluée; aucun effet de "masse"; les petits campings au bord de l'eau contribuent à cette gentille répartition de la clientèle, constituée de gens tranquilles; les masques sont tout de même un peu gênants, surtout quand il fait chaud; on parvient quand même à discuter avec des restaurateurs et des commerçants; on est loin du compte, disent-ils, mais c'est moins pire que prévu; "un été en clair-obscur" titre La Montagne (29 juillet). Nous faisons un bon repas à Martel, les salades sont fraîches, copieuses, colorées, fruitées.

    Le long de la Dordogne, les petits villages fortifiés et perchés se suivent, tels Carennac et Loubressac; ils ont été "restaurés" (un terme à prendre avec précaution) et forment aujourd'hui des endroits paisibles de tourisme patrimonial (culturel, si l'on veut); la dimension religieuse (cloître, église) des lieux se prête désormais à des visites silencieuses ou chuchotantes; on se recueille et on s'incline devant le travail et la vie de nos ancêtres, dont nous ne savons pas grand chose, cela dit. Les férus d'architecture religieuse se délectent au contraire des détails "parlants" et "significatifs" que leur montre la pierre; tout cela, quand même, reste très confidentiel et très "confiné". L'autre attrait de ces lieux, c'est leur situation perchée qui offre des panoramas sur la région. Le visiteur passe donc du détail de la pierre à une vue d'ensemble végétale. Cela doit être assurément très bon pour la santé de nos cerveaux, très éprouvée depuis quelques semaines. Et l'on peut même faire mieux, trois kilomètres après Loubressac, en descendant à pied une pente de 1400 mètres pour goûter à la fraîcheur d'une petite cascade. Il faut remonter ensuite au village d'Autoire, lui aussi très charmant. 

    L'intérêt d'une visite de château ou d'église dépend beaucoup du temps que vous lui consacrez; en général nous sommes trop rapides (c'est ce que me dit parfois Victorine); et bien souvent nous sommes laissés seuls face aux mystères des lieux. Si en revanche un guide vous expose et vous explique le pourquoi-comment d'une "restauration", vous éprouverez très vite une satisfaction "cognitive" qui se répercutera sur votre humeur morale. Un tourisme sans explications, uniquement contemplatif, peut au contraire porter à une certaine mélancolie. Tout cela pour dire que nous avons beaucoup apprécié le guide du château de Montal, un monsieur d'une belle voix, malgré le masque, et dont l'exposé fut consacré au rôle "providentiel" d'un certain Maurice Fenaille (1855-1937), riche mécène qui permit la "restauration" du château, dont les lucarnes, les frises et les statues avaient été vendues et dispersées au milieu du XIXe; avec conviction, et même une certaine ferveur, le guide attire notre attention sur le programme esthétique et spirituel de la façade restaurée, telle que l'avait conçu Jeanne de Balsac, propriétaire du château après la mort de son mari en 1510.

   Quelques kilomètres plus loin, le château de Castelnau-Bretenoux s'inscrit un peu dans le même scénario: devenu une ruine au XIXe, il est racheté en 1896 par un chanteur lyrique alors très riche et réputé, Jean Mouliérat, qui en fait sa résidence (secondaire !), l'aménage et le meuble. Ancienne forteresse médiévale, le château offre un point de vue exceptionnel sur la vallée de la Dordogne.                                 

                 

 



10/08/2020
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