En attendant...
Aujourd'hui 1er août, voilà donc un mois environ que je suis vraiment en vacances, et dans un mois ce sera la reprise du travail au lycée; nous sommes donc au coeur des vacances. Les messages des éditeurs cependant se poursuivent sur ma boîte mail; et deux de mes collègues me font savoir de la même façon qu'ils s'apprêtent à préparer des cours de "spécialité": axe 1 et axe 2... Fichtre ! Pas question d'école buissonnière ou de divagations intellectuelles et culturelles; il faut suivre des axes et poser des jalons, sans oublier de respecter les "points de passage et d'ouverture" des programmes et des manuels; tels sont depuis quelque temps les nouveaux termes de la pédagogie officielle, qui se veut directive, autoritaire et sans discussion. On ne badine pas avec l'histoire-géo, et d'autant moins que la succession des nouvelles épreuves du Bac obligera à respecter scrupuleusement les consignes et les méthodes indiquées... Enfin, on verra.
En attendant, et après quelques lectures "romanesques" plus ou moins intéressantes, je me replonge un peu dans l'histoire avec un livre de l'historien Georges Minois (1); ce monsieur, retraité de l'Education nationale depuis une dizaine d'années, a écrit près de 50 livres; quand j'étais étudiant à la fac de Rennes, le professeur médiéviste Hervé Martin se moquait déjà un peu de sa boulimie d'écriture, alors que Minois n'en était qu'au tout début de son abondante production. Je pense qu'il y avait un peu de mépris de la part de Martin, qui, lui, écrivait lentement et avec beaucoup de précautions ou de rigueurs méthodologiques. Dans un entretien accordé à Breizh-Info, Georges Minois explique un peu comment il travaille: d'abord il ne lit pas de romans, auxquels il se déclare même "allergique"; ensuite il ne lit jamais un livre en entier, mais consulte avant tout les tables des matières et les index; ce faisant il est capable en une journée de consulter, de citer et de résumer une dizaine d'ouvrages. Enfin il fait des fiches, des dizaines et des centaines, parfaitement classées. Partant de ce matériau il peut écrire un ou deux livres par an. Depuis la retraite son rythme de production s'accélère, et d'auteur relativement obscur il est devenu une référence des livres d'histoire en poche, notamment dans la collection Tempus (éditeur Perrin) qui concurrence avantageusement les collections Folio-Gallimard, Points-Seuil et Champs-Flammarion. Certains lecteurs vont même jusqu'à dire que Tempus est plutôt du genre réac (histoires-récits, histoires-batailles, biographies) tandis que Points et Champs sont plutôt de type progressiste et intellectualisant (histoires-mondes, histoires sociologiques et multiculturelles...); souvent aussi Tempus se lit plus facilement que ses concurrents Points/Champs. Je n'ai jamais vu Minois édité chez eux, et il n'est jamais cité ou signalé dans les conseils de lectures "pour approfondir" mentionnés sur les sites officiels académiques de l'inspection d'histoire. Sur internet, au hasard d'un forum de discussion, j'apprends que Minois fut un bon prof de lycée, passionnant à écouter et prenant certaines libertés avec les programmes...
(1): Georges Minois, Histoire du Moyen Age, Perrin 2016, puis Tempus 2019, environ 700 pages, 12 euros.
Le Moyen Age fut en quelque sorte inventé par la période romantique (début XIXe), qui l'a doté de toutes sortes de qualités et de mythes, sans doute en réaction à l'époque dite classique dominée par les classifications et l'encyclopédisme; les auteurs romantiques imaginent un Moyen Age légendaire de contes, de sagas, de valeurs héroïques et sacrificielles; mais après 1840 le rationalisme économique et social (période de la révolution industrielle en Europe de l'ouest) écarte vivement un tel fabulisme de ses préoccupations, et l'historien Michelet, pourtant un peu romantique dans les années 1830, n'hésite pas vingt ans plus tard à condamner la "farce" d'un Moyen Age peuplé de moines idiots et de sots terrifiés par le Diable (je cite en substance l'avant-propos de Georges Minois)...
L'expression de Moyen Age est encore aujourd'hui pleine de préjugés et de stéréotypes; et les historiens médiévistes les plus érudits, Jacques Le Goff et Jacques Heers par exemple, n'hésitent pas à secouer les opinions reçues pour rendre à la longue période médiévale (plus de dix siècles) toutes ses complexités, à la fois dans le sens de ses misères mais aussi dans celui de ses splendeurs; Georges Minois s'inscrit dans cette lignée et se présente lui-même comme un homme du Moyen Age face à l'hyper-modernisme de ces trente dernières années; mes parents, petits paysans bretons, écrit-il en avant-propos, avaient une vie plus proche des ménages du Moyen Age que des couples modernes des années 60-70.
Enfin Georges Minois estime que le Moyen Age est très mal ou n'est plus vraiment enseigné; il est dissous dans une histoire "thématique" des pouvoirs et des oppressions qui ne rend pas compte du tout des "mentalités médiévales", notamment des peurs et des espérances des populations, et qui oublie surtout que le Moyen Age a connu des hauts et des bas, des cycles de croissances, de crises, de renouveaux, de déclins, etc. Sans oublier, aussi, le rôle des dirigeants, qui n'ont pas tous été d'épouvantables tyrans débauchés et sanguinaires. Enfin, plus difficile encore à faire comprendre aujourd'hui auprès d'élèves terriblement athées et intolérants dès qu'il s'agit d'aborder des questions religieuses, le rôle de l'Eglise, des Eglises, beaucoup plus complexe et nuancé que ce que les manuels et les programmes eux-mêmes choississent souvent de mettre en exergue (oppression, luttes contre les hérésies, Inquisition).
Mais laissons-la ces difficultés, qui reviendront assez vite, dans un mois environ; à moins que de plus grandes difficultés encore ne surgissent, par exemple une troisième guerre du Golfe, qui pourrait entraîner toutes sortes de désordres économiques et sociaux, non seulement au Moyen Orient mais aussi en Europe, car il n'est pas possible, comme le dit Georges Minois lui-même, de séparer l'Orient de l'Occident reliés par de nombreux échanges. Tandis que les médias grand-public, de genre progressiste et technophile, se préoccupent actuellement surtout de la canicule et du dérèglement climatique, les revues de style dissident, par exemple Rivarol, s'interrogent sur les risques d'une nouvelle déflagration géopolitique mondiale, étant donné selon ce journal que les provocations israéliennes se font de plus en plus pressantes et visibles, sauf pour les aveuglés de l'antisémitisme qui n'osent rien voir et rien dire.
En attendant une possible troisième guerre mondiale (car la Russie et la Chine sont aux aguets), je vais partir faire du vélo avec Victorine, sur les chemins paisibles de la "douce France" entre la Normandie et La Rochelle: environ deux fois 650 kilomètres (aller-retour) en une petite quinzaine de jours de pédalage, sans ordinateur, et donc sans blog. Voilà qui permettra à mes deux ou trois lecteurs de bien savourer les dernières chroniques de cette période de vacances.
A bientôt !
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