Uzerche et ses environs
De retour à Caen, où règne la chaleur, je propose maintenant quelques aperçus concrets de la Corrèze; ce département très discret ne se prête guère aux abstractions grandiloquentes; faites un sondage, "que pensez-vous de la Corrèze ?", il y a fort à parier que vous n'obteniez pas de réponses catégoriques; la Corrèze invite à la prudence.
D'abord il faut y aller; de Caen, par autoroute, on peut compter six bonnes heures de voiture, mais les péages sont chers (environ 40 euros), et les risques de bouchons très élevés si vous roulez un samedi; par les routes secondaires, vous serez ralentis par les limitations de vitesse et les nombreuses traversées d'agglomérations, prévoyez alors au moins huit heures de trajet. Assurément vous serez soulagés d'arriver par exemple à Uzerche, petite ville du nord-ouest de la Corrèze à proximité de l'autoroute A.20 appelée l'Occitane, car elle mène jusqu'à Montauban.
Uzerche respire une certaine tranquillité, et la distanciation physique entre les promeneurs est facile à respecter; Victorine m'y attendait chaleureusement, nous avions réservé pour trois nuits une chambre d'hôte tenue par un Ecossais, barbu, artiste, le genre troubadour. La première chose à faire ici est de boire une bière au Café de France où le serveur porte un tablier "Ici c'est la Corrèze" avec le portrait de Chirac; les tarifs sont très modérés (2,4 euros la pression) et la décontraction locale semble de mise, faisant fi bien souvent des "gestes barrières" de prévention et de sécurité sanitaires. Bien sûr à l'office de tourisme le port du masque est obligatoire, et l'on vous renseigne d'une voix étouffée sur les atouts de randonnée au grand air que propose le pays d'Uzerche. Mais dans un premier temps il faut se promener dans la petite cité, autrefois fortifiée, en découvrir les vieilles maisons, plus ou moins restaurées, les escaliers en pierre qui mènent d'une rue à l'autre, et l'abbatiale qui domine l'ensemble; Uzerche fut appelée "la Pucelle" car elle ne se rendit jamais aux assaillants qui à plusieurs reprises tentèrent d'y pénétrer; on raconte même que pour tromper les Sarrasins (sans doute vers le Xe siècle) qui les assiégaient depuis sept ans, les habitants d'Uzerche leur envoyèrent un veau gavé avec leur dernier sac pour donner ainsi l'impression que la cité avait encore des provisions pour tenir le siège.
Par l'épaisseur des murs, la hauteur des portes, la pente des rues, Uzerche impose un effet de solidité et de fermeture; on a peine à imaginer aujourd'hui ce que pouvait être autrefois la rudesse de la vie; sauf érudition exceptionnelle, le touriste moderne avoue sa perplexité, admirative ou méfiante, devant les "vestiges du passé". Il pose en revanche un regard plus incisif voire accusateur sur l'époque récente: la route et la voiture ont éventré Uzerche, et apporté un bruit qui brise un peu la tranquillité de la petite cité. On s'en aperçoit surtout le lundi matin. Il est donc temps d'aller voir la campagne des environs.
Le vélo permet de caresser les paysages, à raison de 15 km à l'heure; ainsi vous traversez discrètement les hameaux et les villages, vous respirez pleinement les odeurs locales, vous enchaînez les observations, toutes plus ingénues les unes que les autres, vous contemplez les troupeaux de vaches avec leurs veaux, et s'il ne pleut pas, tout vous semble lumineux, aérien, reposant. Autour d'Uzerche et en direction de Treignac, à 20 km au nord-est, l'agriculture limousine me semble solide si l'on peut en juger par l'apparence des exploitations (taille et propreté des bâtiments, du matériel, importance du troupeau). A Treignac, village au pied du massif des Monédières (altitude maximale: environ 900 mètres), règne une sorte d'ambiance rurale fort décomplexée où de jeunes gens d'allure robuste et vigoureuse prennent l'apéro; ici le masque on ne connait pas ! Le bar fait aussi à manger, notamment une tête de veau tous les lundis, et il vaut mieux réserver sa place ! Autre style, autre ambiance un peu plus loin, une crêperie au bord de l'eau dans une belle maison ancienne restaurée; Treignac vaut donc le détour, c'est simple, rustique, avec quelques éléments de modernisme bourgeois.
Autre circuit possible, au sud-ouest d'Uzerche, cette fois, en direction de Pompadour; les paysages sont un peu moins doux et donc plus heurtés, certaines pentes demandent un petit effort cycliste; mais on peut s'arrêter régulièrement, car les villages sont nombreux, et pour la pause déjeuner on posera pied à Ségur le Château, très bel endroit au bord de l'eau (au bord de l'Auvézère, pour être précis), ancien village fortifié constitué de solides maisons dites "bourgeoises" qui suggèrent la relative prospérité marchande et seigneuriale que connut autrefois la campagne limousine. Un endroit paisible et reculé, mille fois préférable à Pompadour, où le passage d'une route très circulante avec de nombreux camions dissuade les visiteurs à pédales; le lieu n'est pas sans intérêt, j'en conviens, son château, ses haras, son hippodrome. Mais il faut choisir dans la vie; et nous préférons rentrer par les petites routes bucoliques. Au Café de France d'Uzerche, la bière est la bienvenue car il commence à faire chaud et soif.
Demain nous irons à Tulle, préfecture du département.
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