En attendant le Déluge

En attendant le Déluge

Dans le vent

 

   Le vent souffle depuis plusieurs jours sur la Normandie; ce n'est pas la tempête mais c'est un bon vent régulier de 30 km/h, sans doute très intéressant pour les surfeurs et les "voileux" de la côte, un peu moins pour les cyclistes comme moi. Ce vent chasse t-il les parasites, les microbes et les virus ? ou en accélère t-il au contraire la diffusion ? Difficile à dire; les scientifiques ne sont pas tous d'accord sur la circulation et la transmission du coronavirus; en tout cas le port du masque est devenu obligatoire dans les lieux publics clos; et gare aux récalcitrants, car on ne plaisante pas avec la santé publique; je n'irai pas jusqu'à parler d'un "vent de panique", mais je constate du moins une atmosphère de peur et de suspicion qui semble règner sur une bonne partie de la population française*.

 

*: qu'on peut sans doute aussi expliquer par l'enchaînement ces derniers jours de faits divers criminels largement commentés sur internet et les réseaux sociaux mais plus timidement rapportés par les médias bien pensants; cette distorsion ou ce décalage entre l'information "officielle" et l'information "officieuse" ou "clandestine" contribue beaucoup, d'après moi, à cette atmosphère de suspicion.          

 

   Essayons de nous détendre. En regardant par exemple le film Le viager diffusé sur la 9ème chaîne mardi soir 21 juillet; j'en rappelle l'histoire: en 1930, à Paris, le docteur Léon Galipeau (Michel Galabru) ausculte Louis Martinet (Michel Serrault), 59 ans, célibataire, et lui conseille de prendre le plus vite possible sa retraite; comme celui-ci possède une petite maison dans un coin encore inconnu de la côte d'Azur, appelé Saint-Tropez, le docteur le convainc de la céder en viager à son frère, Emile Galipeau (Jean-Pierre Darras). Mais la santé de Louis Martinet, contrairement aux espérances du docteur et de son frère, s'améliore au grand air et au soleil de la côte d'Azur. Année après année, les Galipeau lui versent une rente de plus en plus importante (indexée sur l'aluminium !) qui contribue aussi au progrès de sa bonne santé. Les pronostics du docteur, y compris politiques et militaires, sont tous démentis. Pendant la guerre, les Galipeau tentent de dénoncer Martinet, d'abord comme "pétainiste" puis comme "gaulliste"; leurs lettres accusatrices profitent au contraire au rentier candide, qui devient une figure populaire de Saint-Tropez. Le docteur pense qu'un séjour parisien avec alcool et repas plantureux pourra altérer la santé du nonagénaire; mais celui-ci se régale et c'est la femme du docteur qui au contraire succombe aux excès de ce séjour. Puis on passe aux tentatives de meurtre; à chaque fois, par maladresse et par malchance, les Galipeau échouent. Louis Martinet, 100 ans, attire désormais l'attention des médias et de la "jet set" de Saint-Tropez, mais surtout il reste persuadé de la générosité des Galipeau à son égard.

   Ce film, évidemment, est en partie burlesque (le jeu de Michel Serrault y contribue) et en partie ironique voire satirique (à propos de la guerre notamment); réalisé par Pierre Tchernia, sur un scénario et des dialogues de René Goscinny, le film est sorti en 1972 et il s'inscrit dans la veine d'un nouveau regard comique porté sur la seconde guerre (deux ans après la mort de de Gaulle), très différent de celui de La Grande Vadrouille, quelques années auparavant. On ne rit plus cette fois des aventures rocambolesques d'un aristocrate (Louis de Funès) et d'un ouvrier (Bourvil), mais on se délècte de la maladresse impuissante d'une certaine bourgeoisie; on ne rit plus de ces soldats allemands ridiculisés, naïfs ou grotesques, mais de l'hypothèse d'une armée française incompétente et infiltrée par la "cinquième colonne" (cette hypothèse sera reprise dans les films de R. Lamoureux sur la "Septième compagnie"). Comique franchouillard, résument un peu vite les revues bien pensantes bourgeoises (ainsi Télérama); mais cette "franchouillardise" n'est pas dénuée de lucidité sociale et politique; par ailleurs, le regard comique en question s'inspire un peu d'une certaine veine "anarchisante", celle par exemple d'un Michel Audiard, qui consiste à se moquer des "institutions" et des "valeurs"; et c'est pourquoi aussi cet "anarchisme", considéré aujourd'hui comme un "populisme", n'est évidemment pas du goût des journaux et revues de la bourgeoisie subventionnée d'Etat.        

   Mais pour revenir à notre sujet, disons enfin que ce film montre d'une certaine façon le bienfait de la vie au grand air, tout en ridiculisant les pronostics confinés du docteur ! Il oppose la candeur bucolique et populaire de Louis Martinet à la malveillance urbaine et "technique" des Galipeau; à chaque fois la technique échoue et se retourne contre ses "apprentis-sorciers"; le film, enfin, comme beaucoup d'autres à cette époque, suggère une certaine critique des "stratégies" familiales, qui tournent au désastre, tandis que le célibataire gagne peu à peu en considération et se bonifie avec l'âge; il apparaît usé et résigné au début du film (le docteur lui a prescrit de l'huile de foie de morue !) puis exubérant voire euphorique vers la fin (et même lubrique à l'égard de la jolie infirmière de l'hôpital - Cela dit la sexualité de Louis Martinet (un nom pourtant très connoté sexuellement !) est discrètement sous-entendue: pendant l'occupation il héberge une quinzaine d'enfants et une monitrice adolescente alors que sa maison ne dispose que d'une chambre !)

 

   Bon, laissons de côté cette hypothèse un peu tirée par les cheveux; de façon moins ébouriffante, et tout en restant dans le vent, la formule du viager n'est pas à dénigrer ou à juger comme dépassée, nous disent les conseillers immobiliers (1); les Français en ont une image déformée, sans doute en raison du film; mais le viager peut s'avérer très intéressant, comme ce fut le cas pour de Gaulle qui acheta de cette façon en 1934 le domaine et l'habitation de La Boisserie à Colombey.

 

(1): voir lien ci-dessous                                            

 

article de 2020 sur les avantages du viager



24/07/2020
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