Fin de Top Chef, saison 11
Avec le confinement, l'émission Top Chef, saison 11, diffusée le mercredi soir sur M.6 a battu des records d'audience: environ 4 millions de téléspectateurs en moyenne par semaine, c'est à dire 800 000 de plus qu'au cours des saisons précédentes. J'ai fait partie de ce nouveau public. Et j'ai donc assisté à l'imposante mise en scène de cette émission, à ses innombrables coupures publicitaires, à son baratin sur les valeurs, "ne jamais abandonner, toujours y croire, faire preuve d'audace, mais aussi de contrôle, maîtriser la technique, rigueur, adresse, fermeté, souplesse, etc." - Sans oublier non plus le baratin de type émotif: la blessure à l'oeil du petit Mallory, qui ne l'a pas empêché de devenir cuisinier dans un grand restaurant de Bruxelles, le "coming out" de David, qui lui a permis de se révéler comme un grand chef (et de remporter la saison), etc. Beaucoup de séquences répétitives, donc, et des "choses" parfois un peu bizarres dans le montage des émissions. Disons, pour résumer, que sur deux heures d'émission, on ne voit que 5 % (et encore) de "cuisine", et tout le reste est du remplissage, du bla-bla, de la mise en scène, du trucage, beaucoup de trucage.
Si vous voulez apprendre des choses en cuisine, ce n'est donc pas l'émission à regarder; cela va trop vite et le savoir-faire des "chefs" en présence est d'un trop haut niveau pour le téléspectateur moyen; en vérité c'est un spectacle, un divertissement, une compétition; et les épreuves proposées relèvent de la très haute gastronomie; le vainqueur de la saison, le chef David Gallienne, possède déjà une étoile dans son restaurant très chic de Giverny, où les menus sont appelés "tableaux". Bien sûr, il défend les bons produits locaux, mais les intègre à une gastronomie exotique, qui "fait voyager les papilles" ! Tout est affaire de compositions, de combinaisons et d'équilibres de goûts, de saveurs, de parfums, de textures; les épices et les sauces jouent un rôle essentiel. Il faut de la subtilité, des nuances, de la délicatesse et des prises de risques. A ce jeu, David a été le meilleur, même si son adversaire en finale, Adrien, a montré un style plus original et plus drôle, qui lui a valu, il me semble, les faveurs d'une bonne partie du public.
La défaite d'Adrien s'explique aisément: il a imaginé un incroyable dessert, qui lui a demandé beaucoup de temps de préparation: à partir de trois moules, il a réalisé plus d'une centaine de gobelets en sucre, véritables trompe-l'oeil de gobelets en plastique qu'il a disposés sur une mousseline en chocolat façon terre de sous-bois, et en prenant soin de leur donner une forme écrasée. Mais tout ce temps de préparation, sur un total de 10 heures, ne lui a pas permis de bien surveiller l'exécution des autres plats, l'entrée et la viande, confiée à trois autres cuisiniers. David Gallienne, en revanche, qui a l'expérience dans son propre restaurant de commander une "brigade", a réalisé un sans-faute sur les trois plats. On a très vite compris qui était le vainqueur. Et Adrien Cachot le premier, qui n'a pas caché son insatisfaction, tout en gardant son air un peu malicieux et sans doute faussement décontracté. Sa défaite s'explique surtout par son plat principal, à base d'abats de veau, certes savamment cuisinés, mais qui a rebuté certains des convives (une centaine en tout) venus participer à la dégustation dans la salle de récéption de l'hôtel George V à Paris. Le plat de David, des suprêmes de coquelets, était en revanche beaucoup plus "consensuel" et confortable pour des bouches habituées à des viandes douces et légères, fondantes et crèmeuses.
L'émission a été enregistrée avant le confinement, et les épreuves ont duré 18 semaines; le secret du résultat final a été relativement préservé pour le grand public; mais beaucoup de gens, dont les journalistes, connaissaient la victoire de David Gallienne, saluée aujourd'hui par de nombreux quotidiens, tel Ouest-France, qui titre en dernière page: "un Top Chef qui n'a pas le melon". On n'en dira peut-être pas autant du chef Philippe Etchebest, devenue la grande vedette ronflante des émissions culinaires ou gastronomiques à la française: un personnage méridional plein d'énergie et de détermination, ancien joueur de rugby, musicien batteur à ses heures, et propriétaire d'un restaurant à Bordeaux, où il ne doit sans doute pas souvent travailler, étant donné tout le temps qu'il consacre à la télé, non seulement pour l'émission Top Chef dont il est l'un des piliers, mais aussi pour l'émission "Cauchemar en cuisine", où il joue le rôle de "sauveur" de petits restaurants en déroute en venant délivrer ses conseils et sa motivation. Un personnage très fort, assurément, mais qui peut finir par assommer et lasser le public.
Rien de tel de mon côté: je n'assure que 3 heures de cours par semaine; et mes chroniques ne sont jamais bien longues à lire; mais à ma façon je suis quand même un chef.
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