En attendant le Déluge

En attendant le Déluge

En attendant l'élection

 

 

40) A très court terme se profilent les élections présidentielles. La géopolitique et donc la mondialisation ne tiennent pas une grande place dans les programmes (mais qui lit les programmes?) et encore moins dans la campagne électorale ; lors du débat Zemmour-Mélenchon de l'automne 2021 (sur la chaîne BFM) je n'ai pas souvenir qu'il ait beaucoup été question de la Chine, de la Russie, des Etats-Unis ; et je ne parle pas du Zimbabwe, du Honduras, de la Mongolie. Les débats politiques de toute façon ne nous apprennent pas grand chose ; on peut à la rigueur être attentif à la forme, aux mots et aux expressions employés, « la poudre de perlimpinpin » par exemple, sans oublier le célèbre « vous n'avez pas le monopole du coeur ». On est surtout réjoui de voir et d'entendre son favori « porter des coups » à son adversaire. Mais plus encore, on est souvent déçu qu'il en ait été empêché par les animateurs du débat ou par le déroulement de celui-ci qui ne se prête guère à un véritable échange de coups ; les candidats tournent en rond, refusent le combat en quelque sorte, et se réfugient toujours dans une fausse ou feinte courtoisie, « je ne vous ai pas interrompu, veuillez ne pas m'interrompre, etc. » - Quelle impression peut-on alors retirer de ces débats ? Tout simplement celle que ce sont de faux ou de feints débats. « Ils vont aller manger ensemble ensuite » disait autrefois mon père, qui en était arrivé comme une large majorité de Français à penser que les hommes politiques étaient avant tout des « comédiens ». Et des comédiens pas très drôles.

 

 

 

41) Il y eut pourtant Marchais. C'est devenu culte. Quelques élèves réagissent quand je leur montre le personnage, avec ses « punchlines » : « Taisez-vous Elkabbach ! », ou « C'est très désagréable de discuter avec vous... » - Voilà un homme qui ne mâche pas ses mots, on tend l'oreille; pas besoin pour Marchais d'être d'une grande clarté « rhétorique », on comprend assez vite ce qu'il veut dire : les travailleurs sont de moins en moins entendus dans c'pays, heureusement qu'il y a encore le parti communiste pour les r'présenter, et ce n'est pas facile face à des journalistes comme vous (Elkabbach) qui visiblement n'êtes pas vraiment des travailleurs... Très anti-communiste (comme 99% des paysans) mon père aimait beaucoup écouter Marchais, le seul qui ne mente pas, moins que les autres, me disait-il.

 

   Et de Gaulle alors ? On se délecte aujourd'hui de ses « petites phrases », de ses curiosités de vocabulaire (« chienlit », « pagaille », « bambocher », « adorner », etc.), de ses tautologies (« les Allemands sont allemands », « les Roumains veulent vivre en Roumains », etc.), de ses conceptions géographiques (« je salue Fécamp, port de mer, qui entend le rester, et le restera », « L'Europe de l'Atlantique à l'Oural », et la France « de Dunkerque à Tamanrasset » !) ; beaucoup même se croient et se disent « gaullistes » voire « gaulliens » ; alors qu'il n'y a plus de parti gaulliste depuis longtemps (y en a t-il jamais eu un d'ailleurs?) ; et qu'être « gaullien » relève de la mythologie voire de la métaphysique ; le phénomène de Gaulle a correspondu à une époque, assez courte (1958-1968), à un état de la société française (encore beaucoup de paysans et d'ouvriers, un état d'esprit plutôt conservateur et patriarcal par conséquent) et, sur le plan géopolitique, à une sorte de sursaut nationaliste provoqué par l'emprise des deux Grands. Le phénomène de Gaulle s'est très vite estompé par la suite ; les deux Grands pratiquent la détente des années 70, la société française s'embourgeoise, se libéralise et se féminise (voir les films relativement tendres de Claude Sautet ; à ne pas confondre avec ceux très idéologiques et très lourdingues, pour ne pas dire franchement mauvais d'Yves Boisset) ; et le nationalisme devient parfaitement obsolète (pour ne pas dire plus) dans le cadre et le contexte du marché commun européen ; les conceptions « européennes » du général de Gaulle sont rapidement écartées, jugées archaïques, et servent donc à promouvoir les aspirations fédéralistes. Privée de son chef, la politique gaullienne et gaulliste devient une sorte de zombisme; les années 70 voient déferler les films d'horreur. 

   Résumons: de Gaulle fut pragmatique et stoïque (« les réalités étant ce qu'elles sont »...), et n'hésita pas à renverser bien des traditions, bien des habitudes; d'aucuns pouvaient déjà dans les années 60 ressentir comme un léger hiatus entre les ambitions des ministères et les modestes aspirations de la plupart des Français ; la « popularité » du général n'était sans doute pas aussi large ou grande qu'on veut bien le dire aujourd'hui ; elle était très surfaite, très artificielle. De Gaulle n'est pas du tout un personnage chaleureux, compréhensif, doué de compassion (les harkis en savent quelque chose) ; pas du tout « proche du peuple » en vérité ; mais très froid, très distant, très cassant, voire très méprisant. Tel fut de Gaulle. Je pense qu'il est temps de le reconnaître, et que toute nostalgie à son sujet doit être fortement relativisée. On ne fait pas de politique avec des souvenirs.

 

 



29/01/2022
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