En mai fais ce qu'il te plaît ?
Pas sûr du tout. Il m'a fallu l'autre jour 1er mai renfiler les jambières pour faire du vélo, puis me réchauffer à 30 à l'heure et en m'abritant un peu à la file d'un groupe de cyclos très hétérogène, avec des messieurs très secs qui roulaient devant, et deux ou trois dames un peu plus rondes vers l'arrière (je dis deux ou trois car je n'ai pas pu identifier le sexe d'un coureur du milieu de groupe); à un croisement nous nous sommes séparés. Ils sont allés vers la gauche et moi... tout droit.
En mai commence la saison des grands tours cyclistes, avec le Giro, qui débute le 11; à Florence, nous avons visité un petit musée consacré au champion transalpin Gino Bartali, dit "le Pieux" en raison de sa dévotion à la Vierge (on dit qu'il faisait bénir l'eau de sa gourde), dit "le Juste" aussi, parce qu'il a aidé quelques Italiens juifs à échapper aux persécutions fascistes. Un grand coureur en tout cas, vainqueur du Tour de France en 1938 puis en 1948, vainqueur du Giro en 36, en 37 et en 46; le musée relate sa rivalité avec Fausto Coppi, qui divisa les Italiens*, comme celle d'Anquetil et de Poulidor divisa les Français.
*: Bartali est le champion des Démocrates-Chrétiens et Coppi celui de la gauche progressiste, socialiste et communiste.
En mai se termine la saison scolaire; je suis donc très occupé depuis quelques jours, il faut faire les derniers devoirs, boucler les programmes, surveiller les premières épreuves anticipées... Mon corrigé, "Gouverner la France depuis 1946", bien que passé inaperçu sur ce blog, m'a demandé quelques heures de travail; c'est un exploit intellectuel et rédactionnel que de savoir et pouvoir résumer en 50 lignes plus de 70 ans d'administration de la France ! On mesure mieux, de la sorte, la difficulté de ce qui est demandé aux élèves; et la nécessité pour eux d'avoir de "bons cours", clairement structurés, objectivement exposés; or la tentation est grande chez bon nombre de professeurs de laisser paraître leurs opinions politiques, et le sujet indiqué ci-dessus ne s'y prête que trop bien... Mes opinions, dis-je aux élèves, ce sont mes lectures; je ne pense qu'à travers certains auteurs, certains livres; et je ne lis pas assez pour en dégager ma propre pensée**, encore moins une pensée propre; mes raisonnements sont fragmentés, triturés, "bidouillés", partiels et partiaux, ce qui m'oblige à beaucoup de prudence dans l'expression. A tel point que cette prudence devient elle-même un mode d'expression, avec de temps à autre des intonations ironiques; et ce faisant, tout en ne donnant pas mon avis, tout en feignant de ne pas en avoir, je peux laisser l'impression à quelques élèves d'avoir une manière tout à fait singulière d'enseigner.
**: non, décidément, je ne comprends rien au "je pense donc je suis" de monsieur Descartes...
C'est en mai enfin que je dois passer ma voiture au contrôle technique; c'est une Renault Laguna de 1998 qui commence à montrer des signes de vieillesse (petite incontinence huileuse par exemple); lors de la dernière visite d'il y a deux ans le contrôleur avait détecté un déséquilibre important du frein de service nécessitant une contre-visite. Cette fois je suis d'abord allé voir le garagiste de mon quartier, un nouveau garagiste qui emploie trois jeunes mécaniciens. Hormis la petite fuite d'huile du moteur, tout va bien, selon lui. Mais qu'en dira le contrôleur ? On peut nettoyer le moteur avant, me dit le garagiste. Ou alors, allez-y au culot (le culot de la culasse !) et vous verrez bien.
Dans le courrier des lecteurs de Ouest-France (2 mai), un monsieur de 84 ans se plaint d'une société française où l'on ne se parle plus, où l'on ne s'écoute plus, où l'on ne se comprend plus; quand autrefois on avait quelque chose à demander, dit-il, on allait voir le patron et il nous répondait, oui ou non; maintenant, personne ne répond, mais tout le monde communique ! Le DRH dit qu'il va en parler au directeur, et le directeur qu'il en parlera au PDG. Et puis plus rien.
Cette hyper-communication d'esbrouffe ou d'esquive commence à susciter (il serait temps !) des réactions de mauvaise humeur chez certains, et elle interroge les sociologues et les philosophes. Le bla-bla (expression inventée par Céline, je crois) des politiques est particulièrement étudié; celui de Macron, capable de tenir plus de deux heures devant un parterre de journalistes, pour ne rien annoncer et ne rien apprendre aux Français, est un cas d'école, un modèle pour science-po, science-pipo !
Comme disait Coluche: la dictature, c'est ferme ta gueule ! et la démocratie c'est cause toujours !
La prochaine fois je parlerai justement d'un livre de Jacques Bainville, Les dictateurs.
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