En attendant le Déluge

En attendant le Déluge

Enfin ! (Bilan et perspective)

 

    Oui, enfin ! et ce n'est pas trop tôt ! Le confinement va donc s'arrêter lundi 11 mai, et il aura duré près de deux mois; c'est beaucoup; beaucoup trop sans doute. Bien sûr, personne n'ose contester, ouvertement, parce que l'ordre républicain sanitaire veille au grain, parce que les experts officiels du virus ont dit qu'il fallait être très vigilant, et respecter les gestes "barrières", comme ce sont eux, je crois, qui ont poussé au confinement jusqu'au 11 mai. Quelques élus, je suppose, et sans parler des RG, ont quand même dû avertir les autorités supérieures, disons Macron et Philippe, qu'un bon nombre de Français commençaient à s'impatienter, et qu'il ne fallait pas trop "tirer sur la corde", ou le "cordon sanitaire" en l'occurrence.

 

   Les réseaux sociaux et internet ont servi de défouloir ou d'exutoire; les sites mal-pensants ou "complotistes" ont réalisé des scores très élevés de visionnage; plus de 500 000 vues pour les vidéos d'Alain Soral, intitulées je crois "couillonavirus" (!) - Quantités d'articles très critiques et parfois sarcastiques sur la politique française et la géopolitique du "nouvel ordre mondial" ont déferlé sur des plateformes de discussion, où il n'est pas interdit d'être parfois impressionné par le travail de recherche qu'effectuent certains internautes, loin en tout cas de l'image qui en est véhiculée par les journalistes officiels, souvent plein de mépris et de morgue envers ce public "populiste" et "complotiste".

 

   Il se peut que le "complotisme" en question (exemple: le virus a été mis au point dans un laboratoire, c'est un "plan" de déstabilisation économique pour le plus grand profit de quelques banques (juives ?) et de certains organismes cachés...) soit surtout un "attrape-couillons", une "farce", un  "délire", un "opium", un "dérivatif"....  Disons, un "loisir" intellectuel qui ne respecte pas vraiment les codes de la pensée sérieuse (et travailleuse); c'est ce que pense par exemple mon collègue de philo (un type très sérieux): les complotistes n'ont pas la moindre preuve de ce qu'ils prétendent orgueilleusement révéler, me dit-il; et quand bien même ils l'auraient, qu'en feraient-ils ? Renverseraient-ils le gouvernement français ? américain ? Organiseraient-ils un vaste tribunal de Nüremberg inversé (pour reprendre l'expression des complotistes antisémites) où seraient inculpés les Bill Gates, Rothschild, Rockefeller, Attali et tous les agents israéliens du "pouvoir profond" ? Mais inculpés de quoi ? De crime organisé contre les nations ? contre les peuples ? Et depuis quand ? Vaste enquête au demeurant ! En tout cas mon collègue de philo en conclut que les complotistes sont des "idiots utiles" du "système".

 

  La notion d'idiot utile désignait autrefois les admirateurs béats du système communiste; on lui prête parfois un sens plus tactique; un idiot utile peut être un opposant, mais de façade ou de parade, très facile à confondre ou à disperser; pour les complotistes, les idiots utiles sont les gauchistes, les "antifas", qui sous leurs apparences de "casseurs" ou de manifestants très énervés, servent en réalité, sans le savoir, les objectifs sécuritaires d'un régime en place. Mais sont aussi des idiots utiles, toujours d'après les complotistes, les petits bourgeois (beaucoup de profs) gentiment contestataires, favorables à la démocratie participative, aux débats sans fin, du style "on refait le monde", qui n'ont en efffet aucun pouvoir de nuisance sur le véritable pouvoir. Le terme idiot renvoie aussi à un roman de Dostoïevski, un auteur indispensable je crois pour comprendre les phénomènes de contestation ou de "subversion" (voir aussi son autre grand roman, Les Possédés).

 

   Pour se détendre, on peut lire à la rigueur le roman de Diane Ducret, intitulé La dictatrice*; je ne l'ai pas lu, mais Ouest-France en a parlé l'autre jour** sous la forme d'une interview avec l'autrice ! Je me contenterai donc de quelques-unes de ses réponses, en y ajoutant mes petits commentaires:  - D'abord, pourquoi une dictatrice ? "Si la femme est l'égale de l'homme, alors elle l'est aussi dans le pire, dans la possibilité d'accoucher d'un régime totalitaire", répond Diane Ducret, en ajoutant que "Hitler se disait féministe, il voulait défendre le féminin sacré, la vertu cardinale de la mère nourricière de l'Allemagne" - mais alors, deuxième question, pourquoi ce rapprochement avec la période nazie ? "Ce que j'écris se passe dans un monde réel et en 2023, un an après la présidentielle, donc dans un avenir très proche... Le terreau n'a jamais été aussi fertile, tous les ingrédients sont là, ils étaient identiques lors de l'arrivée au pouvoir d'Hitler ", explique  Diane Ducret. Si j'ai bien compris, sa dictatrice c'est Marine Le Pen, ou Marion Maréchal, pas la peine de tourner autour du pot (aux roses) ! Quant au rapprochement avec l'Allemagne de 1932-33, il est très exagéré; la France ne compte pas (pas encore) six millions de chômeurs, les conditions sociales ne sont pas du tout les mêmes, sans parler des mentalités, enfin et surtout, le fonctionnement politique et institutionnel allemand des années 30 est bien différent de celui de la Ve République; Hitler n'a pas été élu au suffrage universel, il a été nommé à la suite de négociations entre dirigeants, et sans doute pour faire barrage à l'extrême-gauche: plutôt les chemises brunes que les rouges ! Plus loin, Diane Ducret dit tranquillement qu'on est mieux informé et plus instruit aujourd'hui que ne l'étaient les Allemands en 1930, et qu'on ne pourrait plus accepter une telle violence. Mais pourquoi alors ce scénario-politique catastrophe ? Si le bon peuple est cultivé, informé, pourquoi se fait-il ainsi duper ? Le roman doit apporter la réponse; j'imagine que la dictature se présente dans un premier temps sous un aspect démocratique et démagogique, qu'elle met en confiance le peuple, qu'elle rassure les milieux dirigeants, puis peu à peu, ou brusquement, par à-coups, qu'elle révèle son vrai visage, en emprisonnant, en déportant, en éliminant les opposants ! - Enfin, dernière question, mais que faire pour empêcher une telle inquiétante perspective ? Pour Diane Ducret il faut "réaffirmer la dimension culturelle de l'Europe en respectant les particularités de chaque pays, car la négation des particularismes réveillent les mouvements identitaires" - Mais l'Union européenne (car c'est bien d'elle dont veut parler Diane Ducret) favorise depuis plus de trente ans les particularismes régionaux, en reconnaissant par exemple les langues minoritaires et en accordant beaucoup d'argent aux collectivités locales; l'UE n'en finit pas non plus d'être culturelle en soutenant toutes sortes d'écoles et de spectacles qui vont dans un sens anti-national (nation=fascisme !) et supra-national (intégration, mélange, diversité) - Je ne vois donc pas bien ce que Diane Ducret veut de plus. Sinon toujours plus ! Insatiable donc, pour finir, elle a une autre réponse pour que soit vraiment écartée le scénario catastrophe: "chacun doit se questionner individuellement sur la manière dont il vote, consomme, se nourrit, éduque ses enfants..." - Fort bien, mais c'est là aussi déjà le cas. Et ce genre d'individualisme n'est jamais qu'une apparence, une illusion; l'individu ne choisit et ne questionne que ce qu'on lui permet de choisir et de questionner, surtout quand il s'agit d'élections.

           

 

*: La dictatrice, Flammarion, 511 pages.  

**: Ouest-France, 2-3 mai 2020.              

      

                    

 



09/05/2020
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