Faisons le point
Faire le point ou faire le poing, deux façons de voir les choses; j'apprends dans Le temps des ouviers diffusé sur Arte que le symbole du poing levé viendrait d'un groupuscule d'extrême-gauche allemand des années 1920; on y voit un geste de lutte, de fermeté, de force, d'union... Alors que règne au contraire une grande division dans les mouvements de gauche à cette époque. Disons que la synthèse socialiste, le "faire le point", n'est pas parvenue à contenir ni à fédérer les analyses divergentes ou les revendications multiples et centrifuges du monde ouvrier; disons aussi que le monde ouvrier en question n'est pas homogène; au sein d'une même entreprise, comme je l'ai signalé dans ma chronique précédente, on trouve des ouvriers différents qui n'ont pas les mêmes qualifications ni les mêmes approches du travail; certains veulent gagner plus, faire des heures sup', d'autres souhaitent au contraire travailler moins. En Allemagne, dans les années 1920, alors que le pays est sorti vaincu de la guerre, accablé de dettes et de sanctions, puis assommé par l'inflation et l'occupation française de la Ruhr, ce sont quand même les partisans bourgeois du "faire le point" qui vont l'emporter sur les activistes du coup de poing. Les socialistes, ou sociaux-démocrates du SPD, vont se rallier et s'intégrer au monde bourgeois, abandonnant donc une large partie de la classe ouvrière à d'autres groupes politiques: les communistes puis les nazis.
Faire le point c'est évidemment donner la part belle à la théorie, à la distanciation, à la vue générale et surplombante des choses, au détriment de certains faits et de certaines réalités. Nul doute que vont être proposées bientôt, et qu'elles sont sans doute déjà en cours d'élaboration, des synthèses et des théorisations de la crise du confinement et du covid. On peut imaginer que le bilan français sera présenté comme globalement positif et ce malgré des résultats, économiques et sanitaires, très mauvais; l'Etat aura joué son rôle en dépit de quelques cafouillages de prévention et d'organisation; et son rôle c'est avant tout de maintenir l'ordre, la sécurité, la continuité des services publics. Le pays n'a pas sombré dans le chaos, les magasins ont été remplis, l'immense majorité des habitants ont respecté le confinement et les mesures de protection. Evidemment on pourra trouver des faits et des réalités qui démentent une synthèse aussi flatteuse, mais je suis persuadé que l'Etat sortira sans encombres de la crise, voire en donnant le sentiment d'avoir "fait le job".
Si je m'en tiens par exemple à mon métier d'enseignant, qui fait partie des services publics, là non plus je ne doute pas du sentiment général et plutôt bienveillant que la "continuité pédagogique" par internet a relativement été assurée; on évitera de donner des détails et de scruter les âmes des uns et des autres; mais il est tout de même assez évident que la période de confinement aura été bien vécue par l'immense majorité des enseignants et des élèves; un peu moins des parents sans doute.
Evidemment, c'est le service public hospitalier (y compris assuré par des cliniques privées) qui recevra les félicitations générales, et les applaudissements, pour son redoublement de travail et de dévouement pendant la crise. On oubliera assez vite les polémiques et les divergences d'appréciations des experts à propos du covid; le docteur Raoult ne deviendra pas, comme d'aucuns aujourd'hui l'espèrent ou le redoutent, le chevalier blanc d'une fronde ou d'une croisade "anti-système", le porte-parole d'une médecine libre et indépendante du lobby pharma; non, il retrouvera la discrétion de sa spécialité, qu'il aura tenté de vulgariser pendant quelques semaines.
Quant aux médias, grands vulgarisateurs s'il en est, ils continueront leur travail de sape: allumer des petits feux pour les éteindre aussitôt, faire la chasse aux soi disant pyromanes (les lanceurs d'alerte) en se croyant pompiers; le quotidien Ouest-France, qu'il m'arrive de feuilleter, a multiplié ces dernières semaines les appels à la prévoyance, à la vigilance et à la solidarité, dénonçant au passage tous les actes et tous les propos qui ont pu semer le trouble, la suspicion, voire créer la confusion et la discorde. Jamais Ouest-France ne s'était montré aussi "responsable", aussi "missionnaire", tout en égratignant ou fustigeant au passage les irresponsables et les manipulateurs (Trump bien sûr et un peu les dirigeants chinois); sans oublier ces poignées de Français populistes et pyromanes qui veulent mettre le feu à la société, qui souhaitent l'effondrement du pouvoir, donc de l'Etat, et qui par-dessus le marché vouent aux gémonies les institutions internationales, l'OMS, les ONG, et l'union européenne; ce sont d'épouvantables idéologues qui n'ont pas le sens des responsabilités. L'idéal serait de s'en débarrasser par un renforcement des lois de délit d'opinion et d'expression. L'idéal serait donc le renforcement de la "gouvernance globale" sur les groupuscules extrémistes, fanatiques, délinquants... Et si la crise du covid pouvait en être le levier, alors, on peut le dire, cette crise aura été utile !
Voilà donc ce qui se profile: une surveillance renforcée des opinions jugées non conformes, un redoublement, s'il est possible, d'une certaine propagande médiatique au service de la gouvernance globale, c'est à dire des ONG (Fondation Bill Gates, Open Society de G. Soros, et leurs innombrables filiales) et des banques d'affaires (Black Rock), dont l'emprise va se resserrer sur les Etats surendettés. Lesquels Etats poursuivront et renforceront leur politique soi disant libérale (privatisation, réduction des investissements publics) qui en vérité consiste à fragiliser la main d'oeuvre et à protéger une certaine oligarchie interlope, nomade et apatride, comme aurait dit en son temps le général de Gaulle. Et c'est de lui dont je parlerai d'ailleurs la prochaine fois.
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