Gouverner la France depuis 1946
Je donne ici un corrigé de composition d'histoire pour terminale:
Le mouvement des Gilets jaunes montre une fois de plus la critique de l'Etat et de son chef par un certain nombre de Français. Gouverner la France n'est pas facile ! Pourtant le régime et le système politiques surmontent les difficultés. Comment expliquer cette situation ? Trois pistes d'observations seront ici explorées: le rôle de l'Etat, renforcé après la guerre, puis réformé voire affaibli au cours des trente dernières années (1); le rôle du chef de l'Etat devenu omnipotent avec de Gaulle mais plus "flexible" par la suite (2); enfin le rôle des médias et de l'opinion publique, lui aussi transformé au cours des dernières années (3).
(1): En 1946 une nouvelle République est créée afin de répondre aux défis de la reconstruction économique et de la réorganisation sociale de la France; ainsi, le rôle de l'Etat, déjà très important (armée, police, justice, éducation) est étendu et renforcé dans les domaines de l'énergie et des transports (Renault, EDF-GDF, PTT, SNCF), mais surtout en faveur de la santé (création de la Sécurité sociale en 45), des conditions de travail (extension du système des retraites, création du SMIG, de comités d'entreprises...) et du logement (construction de HLM). Les notions d'Etat-Providence et d'acquis sociaux (allocations, retraites) font désormais partie de l'action gouvernementale auprès des Français. Une Ecole Nationale d'Administration (ENA) est fondée en 45 pour former les "hauts fonctionnaires" qui dirigeront les ministères et les organismes publics.
Le rôle de l'Etat ainsi renforcé suscite des critiques: trop de taxes et trop d'impôts, pas assez de libertés individuelles, trop de pouvoir concentré à Paris, et un territoire économiquement déséquilibré, etc. A partir des années 70 et 80, les dirigeants de l'Etat doivent par ailleurs affronter le défi d'un pétrole plus cher et d'une concurrence internationale plus forte. La droite "libérale" pense qu'il faut réduire les dépenses publiques et favoriser la liberté économique des entreprises privées (libéralisme); la gauche "socialiste" souhaite au contraire améliorer l'Etat-Providence, l'Education, la Santé, la Justice... L'une et l'autre sont toutefois d'acccord pour "décentraliser" et "régionaliser" l'action publique tout en répondant aux "critères" de l'Union européenne (libre-concurrence, adoption d'une monnaie unique); plus que jamais le rôle de l'Etat se décline à plusieurs échelles: locale, nationale, mondiale. D'aucuns en concluent qu'il s'en trouve "décomposé", désarticulé, désorganisé, donc affaibli; mais d'autres pensent le contraire: plus souple et plus flexible, il serait plus efficace. Est-ce aussi le cas du chef de l'Etat ?
(2): Entre 1946 et 1958 le Président de la IVe République n'est pas vraiment le chef de l'Etat, il est donc épargné par les critiques. Entre 58 et 69 le général de Gaulle devient au contraire le chef incontesté de la nouvelle République, élu au suffrage universel direct (à partir de 65); il dispose d'importants pouvoirs exécutifs et législatifs (il peut même dissoudre l'Assemblée); il incarne un Etat autoritaire et dirigiste, de type "totalitaire" selon ses adversaires. Contesté en Mai 68, de Gaulle fatigué (79 ans) démissionne en avril 69 (à la suite d'un référendum où le Non l'emporte).
Ses successeurs ont sans doute été plus "flexibles": Giscard d'Estaing (74-81) cultive l'image de la jeunesse (la sienne d'abord, il a 46 ans quand il est élu Président, puis celle des autres en accordant le droit de vote à partir de 18 ans); Mitterrand réalise deux septennats (de 81 à 95) et se montre habile lorsqu'il doit "cohabiter" à la tête de l'Etat avec des Premiers ministres de droite qui lui sont politiquement opposés. La "cohabitation" a -t-elle affaibli ou assoupli le rôle du chef de l'Etat ? Les avis sont partagés. Une chose est sûre: le Président reste le maître de la politique extérieure (chef des armées et de la diplomatie) tandis que le Premier ministre dirige la politique intérieure, celle qui lui vaut les critiques les plus nombreuses de la part des Français (par exemple Alain Juppé jugé trop rigide face aux grèves provoquées par son projet de réforme des retraites).
Les Présidents savent surtout utiliser les médias à leur avantage, notamment la télévision.
(3): Et pour cause: la télévision et la radio sont contrôlées par l'Etat pendant les années 50 et 60; ce contrôle est vivement critiqué en Mai 68; les médias jouent un rôle important voire décisif lors des élections présidentielles; les candidats s'entourent de conseillers en communication, soignent leur image et veulent séduire le maximum d'électeurs; mais ces derniers sont méfiants et ne croient plus aux "promesses" électorales. La presse d'opinion ne se prive pas, y compris sous de Gaulle, de critiquer l'action des gouvernants et du Président en particulier. Des affaires éclatent (souvent révélées par Le canard enchaîné) qui mettent en cause l'honnêteté et la sincérité des hommes politiques; "tous pourris !" vont jusqu'à penser certains électeurs. Le mécontentement, l'amertume voire le fatalisme d'une partie de l'opinion publique peuvent expliquer (entre autres raisons) la montée des extrêmes, surtout la droite. Avec internet, depuis le début des années 2000, la critique des gouvernants et des Présidents en particulier (François Hollande par exemple) semble même dépasser et surprendre les autres médias, notamment la télévision, qui continue pour sa part d'accorder au chef de l'Etat des conditions très confortables d'expression (questions sélectionnées à l'avance, mise en scène, journalistes inoffensifs).
Se dégage dans l'ensemble l'image d'une France mécontente de ses gouvernements, surtout depuis ces vingt dernières années; les Présidents n'ont plus la "cote" (de popularité), et l'action de l'Etat, sans cesse réformée, assouplie, "modulée", simplifiée pour les uns, incompréhensible pour les autres, suscite des interrogations et des accusations, la plus commune étant: "à quoi servent nos impôts ?" - Les médias actuels, tout en étant plus libres qu'autrefois dans la critique des gouvernants, ne permettent pas à l'opinion publique d'avoir une meilleure compréhension du fonctionnement politique de la France. Seule l'Ecole parvient encore à proposer quelques repères...
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