En attendant le Déluge

    J'évoque ce matin David Hume. Ce n'était pas vraiment préparé. Au départ je voulais juste montrer l'admiration de Voltaire pour l'Angleterre ; et le nom de Hume est arrivé dans les nombreuses raisons de cette admiration anglophile. Le manuel de la classe de seconde ne parle pas de lui (il cite John Locke et Adam Smith en revanche) ; c'est une brève notice biographique sur Voltaire qui m'a conduit à citer le philosophe britannique (né en Ecosse). Je ne crois pas, malgré son nom, qu'il soit l'inventeur de l'humour anglais, ai-je dit aux élèves, qui n'ont pas ri du tout. Voyant donc l'ambiance sinistre de la classe, j'ai projeté sur l'écran la page du site Je Suis Mort.com. Ce site permet de savoir où sont enterrées les personnalités historiques, mais il donne aussi quelques éléments de leur vie.

    On a donc pu voir que Hume avait vécu 65 ans entre 1711 et 1776 ; presque comme Jean-Jacques Rousseau (1712-1778). Hume est mort peu après la déclaration d'indépendance des Etats-Unis. Pour laquelle il n'a joué aucun rôle. On peut faire lire aux élèves quelques lignes (compréhensibles) de sa vie : il est né dans une famille instruite et moyennement aisée, mais à 22 ans il est pris d'une « aversion pour toutes choses sauf la philosophie et le savoir en général » ; il ne veut pas devenir avocat ; il veut voyager. Cela rejoint un peu la lettre où Voltaire explique que les Anglais sont avant tout de grands voyageurs et de grands marchands, qu'ils ont le sens de l'utilité (publique?) et des affaires (privées). Je dis aux élèves qu'il ne faut quand même pas trop généraliser : certains Anglais sont casaniers et épiciers.

   Le visage de Hume (je montre toujours aux élèves le physique des personnalités historiques) respire la bonhomie et la sérénité. Eh bien, dis-je, ces deux mots (bonhomie doit être expliqué ; c'est très simple, c'est mon genre, et les élèves acquiescent : cool quoi ? Oui, si vous voulez), ces deux mots caractérisent aussi un peu la philosophie de David Hume . Comment ? Je ne sais pas trop. Revenons donc à son visage : la page wikipedia nous le montre coiffé d'une sorte de turban (portrait par Allan Ramsay, 1754, voir ci-dessous), un genre de bonnet en tout cas qui semble du dernier chic ; « il est très bien habillé » fait remarquer une élève. On peut le dire en effet.

   Le professeur d'histoire, toujours à l'affût d'un savoir plus général, pourra faire remarquer que ce portrait témoigne bien sûr de l'aisance et du « goût » de David Hume mais aussi de la prospérité de l'Angleterre au XVIIIe ; et s'il s'agit d'une sorte de turban on peut y voir, pourquoi pas, une manifestation du « goût exotique » de l'époque ainsi qu'un effet de la « mondialisation » ¹. Toutefois, ne mélangeons pas tout : la philosophie dite « empirique » de David Hume ne signifie pas qu'elle fût une conséquence de la puissance impériale de l'Angleterre ! Non. L'empirisme en question désigne l'intérêt et l'importance de faire des expériences et de s'appuyer sur des situations concrètes si l'on veut bien comprendre le monde et la nature humaine. David Hume nous met en garde aussi contre les relations de causalité que notre esprit peut être tenté de faire, alors que ce ne sont parfois que des corrélations et des associations d'idées...   

    Enfin, nous retiendrons que Hume fut un philosophe des Lumières (on dit enlightment en anglais), qu'il visita un peu la France (en passant par La Flèche où il acheva à 26 ans de rédiger son chef d'oeuvre, Traité de la nature humaine) et qu'il se brouilla avec Rousseau (mais qui ne se brouilla pas avec Jean-Jacques?). De retour chez moi, à mon bureau, je trouve un article très intéressant qui expose ou explique les raisons de la relative méconnaissance de Hume en France.²