En attendant le Déluge

En attendant le Déluge

L'automne de la république

 

    Après "l'été des quatre rois", dont j'achève actuellement la lecture, je parlerai aujourd'hui de l'automne de la république. 

    De l'automne donc: vent et averses sur Caen et la Normandie depuis hier; je suis rentré du boulot à vélo et tout trempé; le petit chat Ovni m'attendait à la porte du garage pour lui aussi pouvoir s'abriter et manger; j'ai rempli sa gamelle qu'il a dévorée; puis il est allé faire sa toilette et s'allonger sur un lit. L'idée d'une petite sieste m'a aussi caressé l'esprit; mais j'ai préféré m'occuper de la vaisselle. Disons que mes trois heures de cours de la matinée ne m'ont pas épuisé.

    Il n'en est pas moins vrai que le rythme de travail a un peu augmenté depuis une semaine; les premiers devoirs sont à corriger, certains élèves deviennent pénibles, l'humeur pédagogique s'assombrit, comme le ciel. Quant aux nouveaux programmes, ils n'apportent aucune éclaircie intellectuelle; toujours les mêmes rengaines moralisantes et repentantes, le réchauffement climatique, l'affaire Dreyfus, la shoah, etc. Avec des risques de "carambolages", comme on dit sur la chaîne Arte; vendredi dernier par exemple, mes meilleurs élèves de terminale, sur qui je peux m'appuyer en cours, s'étaient absentés pour manifester en ville sur la question climatique, pendant que j'exposais aux autres, et fort péniblement, le rôle du film Shoah dans l'évolution de la mémoire de la seconde guerre... Disons, d'une façon plus générale, que notre métier nous oblige à organiser et coordonner des "informations" et des "conditions" de travail qui peuvent être ou qui sont contradictoires; quant aux élèves, ils "sautent" d'un cours à l'autre, d'une matière à l'autre, d'un professeur à l'autre, et tout cela au bout d'une journée ne produit guère qu'un sentiment de fatigue.

   Depuis longtemps, et je crois bien l'avoir déjà écrit, je suis favorable à une réduction (drastique) des heures de cours, et à une refonte totale des matières enseignées; favorable à la disparition des grandes structures scolaires, d'une certaine lourdeur organisationnelle, qui feraient place à des formes souples et disséminées d'éducation et d'instruction: petites classes de 15-20 élèves, stages de vie active et pratique, plusieurs sorties scolaires à travers la France, et "contrôle continu" des élèves portant sur leurs comportements et leurs travaux écrits et prestations orales. Souplesse, oui, mais sévérité aussi; et obligation pour tous d'avoir une "qualification" entre 16 et 20 ans, avec la possibilité pour quelques-uns de poursuivre leur formation jusqu'à 25 ans (en médecine par exemple). De toute façon, obligation pour tous de travailler; mais de travailler sans être soumis à des objectifs économistes et financiers, tels ceux qui depuis trente ans désorganisent et pervertissent les sociétés modernes ou post-modernes !

    L'automne est favorable sans doute à certaines rêveries politiques; en taillant les haies, en élaguant les arbres, en coupant les branches mortes, en ramassant les feuilles, on songe à tout le grand nettoyage qu'on pourrait faire aussi dans le milieu politique républicain; un sondage paru la semaine dernière dans le quotidien Ouest-France indiquait le niveau de confiance des Français dans leurs "institutions": à la première place, avec 81 % de confiance, les Petites et Moyennes Entreprises; à la deuxième place avec 70 %, les maires; ensuite, dégringolade en dessous de 40 %: l'Union européenne, les grandes entreprises, la présidence de la république, les syndicats, les députés, les médias et les partis politiques en dernière place avec 10 % de confiance (1).

 

(1): Ouest-France, 18 septembre, sondage réalisé par Ipsos-steria, du 27 juin au 2 juillet, auprès de 998 personnes.

 

    D'une certaine façon, beaucoup de Français comme moi ont confiance dans les petites structures de proximité, et n'ont que méfiance, soupçon, antipathie pour les grandes structures; je m'étonne un peu d'ailleurs du relatif bon score de l'union européenne (36 %). L'automne contribue en général à un mode de vie plus sédentaire et replié, au coin du feu, qui augmente encore l'antipathie à l'égard des grandes structures de la mondialisation. Que la république soit aussi touchée par les sentiments de méfiance et de rejet des Français n'est pas bien difficile à comprendre; car cette république, depuis trente ans, au moins, mène des politiques, de droite comme de gauche, qui favorisent les grandes structures de la mondialisation et pressurisent ou étouffent les petites.

    Normalement, les mouvements écologistes devraient être favorables aux petites structures locales qui consomment moins d'énergie et polluent souvent moins (mais pas toujours); or il semble qu'il n'en soit rien; on trouve dans les cortèges du vendredi des écolos, des réchauffistes, des lanceurs d'alertes climatiques et des lycéens, soit une bonne majorité de mondialistes favorables à une "gouvernance globale" qui prendrait des décisions globales, sans doute très vagues et peu appliquées. Les Français qui ne défilent pas (ils bossent !), et comme d'autres peuples sans doute, souhaitent au contraire des "actes" précis et des mesures concrètes qui s'appliquent à tous ! La république leur semble beaucoup trop abstraite et sans efficacité; il serait bienvenu par exemple d'appliquer aux élus le principe du "mandat impératif", à savoir l'obligation pour eux de répondre par des actes aux questions pour lesquelles ils ont été choisis. Vaste programme.

                                                     

 



24/09/2019
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