En attendant le Déluge

En attendant le Déluge

Parlons travail

        Parlons travail, j'emprunte ce titre au romancier américain (Etats-Unis) Philip Roth dont je viens de lire Quand elle était gentille (1). Mort l'an dernier Philip Roth laisse une oeuvre abondante, primée, récompensée, étudiée un peu partout; très critique sur la société américaine, l'évolution de ses moeurs et de ses opinions depuis les années 1970, cette oeuvre est diversement appréciée, selon le degré et la faculté de compréhension des lecteurs, et des lectrices; je dois dire, en me prenant comme petit exemple, qu'il n'est jamais simple de "bien comprendre" un roman; il faut d'abord éprouver de l'intérêt à la lecture, entrer en sympathie avec l'histoire et les personnages, se laisser porter et même subjuguer par la fiction et ne point prêter attention à certaines bizarreries du récit, des phrases obscures, des détails insolites, des mots exotiques, et il y en a souvent beaucoup dans les romans "modernes" ou "post-modernes"; je dois dire que je remplis rarement ces conditions d'empathie, sans doute en raison d'un niveau d'altruisme insuffisant. Quand elle était gentille m'a un peu ennuyé (2).

 

(1): Roman paru 1967 aux Etats-Unis, Philip Roth alors a 35 ans, il est traduit en 1971 en français, et disponible en collection de poche chez Folio-Gallimard, 2017, 400 pages.

(2): Je l'ai pourtant lu en entier, c'est mon caractère, un peu obstiné; les raisons de mon ennui sont dues à des personnages que j'ai peiné à bien identifier et dont les relations m'ont paru assez vite incompréhensibles; j'ai surtout peiné à comprendre les caractères et les relations psychologiques (intimes) des deux protagonistes du roman: la jeune femme "gentille" et son mari un peu vaseux. J'ai tout de même compris que leur couple ne fonctionnait pas, et il ne m'a pas échappé non plus que l'histoire se termine fort mal, surtout pour la jeune femme. Une fois terminée la lecture, entre scepticisme et déception, je me suis renseigné sur ce que je n'avais pas su apprécier en consultant les critiques élogieuses de certains lecteurs et de certaines lectrices. Il y était question des qualités narratives indéniables de l'auteur, et de son talent subtil à faire ressortir les "problèmes" sociaux et familiaux de l'Amérique entre les années 30 et le début des années 50, quand s'achève l'histoire de la jeune femme. Un collègue d'anglais, enfin, m'a fait remarquer que le titre original, When she was good, pouvait signifier plusieurs choses et qu'on aurait pu le traduire par: quand elle était sympa, quand elle était d'accord, quand elle était chouette, en évitant quand même le "quand elle était bonne" ! -

 

    Il se peut aussi que la correction de mes copies m'ait empêché de bien entrer dans le roman de Philip Roth; et c'est qu'en effet mon esprit (c'est à dire pas grand chose comme me le fait observer Victorine) est bien occupé par toutes ces copies. Il a fallu pour commencer se rendre à une réunion dite d'harmonisation entre correcteurs et correctrices; ce sont elles surtout qui ont animé la réunion en exposant leurs observations après avoir corrigé des "copies test"; comme l'an dernier, elles ont dit qu'il ne fallait pas être trop formaliste et exiger certaines réponses, mais au contraire accepter une certaine liberté dans le traitement des sujets; l'une d'elles s'est déclaré enthousiasmée par les quelques copies qu'elle avait lues portant sur le sujet de la gouvernance européenne. Pendant ce temps j'ai observé l'assistance et constaté que les collègues n'écoutaient pas vraiment, beaucoup avaient le nez fourré dans leur portable. A la fin de la réunion les deux inspecteurs ont demandé s'il y avait des remarques et des questions particulières; aucune main ne s'est levée. Tout le monde n'avait qu'une seule envie: s'en aller.

 

    Je ne sais pas si les correcteurs et les correctrices tiennent compte des conseils ou consignes d'harmonisation; il me semble que non, que la plupart s'en tiennent à leurs habitudes, à leurs méthodes, à leurs obsessions méthodologiques ! Quelques-uns, peut-être, adoptent une "stratégie" laxiste afin d'éviter d'avoir des candidats au rattrapage, ou en considérant que ce bac ne sert plus à grand chose car il est un peu vidé de son intérêt par le fait que plus de 90 % des candidats l'obtiennent, d'une manière ou d'une autre. Quant à moi, je corrige normalement, c'est à dire en lisant totalement les copies, en m'insurgeant souvent de la bêtise de ce qui leur est demandé (par exemple un croquis appris par coeur et qui ne correspond à aucune réalité géographique ou géopolitique sérieuse !), en étant parfois impressionné par des candidats et candidates capables d'expliquer clairement comment fonctionne la gouvernance européenne !

 

    Par le travail on vient souvent à bout de certaines questions ou de certaines situations difficiles; ce devait être le point de vue de Philip Roth, tel notamment que le montrait un documentaire diffusé il y a quelques années sur une chaîne de télé française (sans doute Arte); il apparaissait à la fois élégant et studieux dans sa belle et grande maison du Connecticut, écrivant debout au clavier de son ordinateur, et déclarant qu'il ne fréquentait plus guère la societé intellectuelle et artistique de New York; il semblait focalisé sur son travail d'écrivain, et n'ayant plus guère de goût aux autres activités et sollicitations que peut connaître un romancier mondialement reconnu et récompensé.

    

 

    

                           

       

 

 



21/06/2019
1 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 4 autres membres