Petits foyers touristiques
Il fait de plus en plus chaud (40°), et nous buvons beaucoup. La plupart des touristes de la Corrèze et de la Dordogne se baignent et se reposent au bord de l'eau; les visiteurs du patrimoine, cyclistes de surcroît, sont donc une minorité; mais entre les deux, il y a un groupe assez important d'opportunistes en voitures, qui "font" Rocamadour et Collonges-la-Rouge; car ce sont là les deux sites les plus fréquentés de part et d'autre de la Dordogne, séparés d'une bonne trentaine de km.
Le succès touristique de Rocamadour peut s'expliquer par trois raisons, qui se combinent: d'abord c'est un site impressionnant, une prouesse de construction verticale à flanc de falaise, ce qui laisse rêveur; ensuite c'est un lieu de pèlerinage marial très réputé (la Vierge de Rocamadour exauce beaucoup de voeux et sauve des vies); enfin c'est un ensemble architectural qui a été "restauré" et aménagé pour recevoir quantité de visiteurs malgré la difficulté du site; comme beaucoup d'autres villages, églises et châteaux de la région, les destructions (les protestants ont saccagé Rocamadour au XVIe siècle) et l'état de ruine ont nécessité d'importants travaux entrepris à partir du milieu du XIXe. Des ouvriers et des commerçants se sont installés; Rocamadour a compté jusqu'à 1600 habitants vers 1890; aujourd'hui, c'est à peine 600. Mais plus d'un million de touristes par an !
Pour la première fois de notre séjour, nous nous retrouvons dans une foule touristique; que se passe t-il alors ? Eh bien le regard et l'attention, voire la réflexion, sont accaparés par nos semblables, qui ne nous ressemblent pas forcément; le tourisme devient sociologique; et l'observation du patrimoine religieux (qui d'un point de vue architectural ou esthétique n'est sans doute pas exceptionnel) passe au second plan. Toutes les boutiques et tous les restaurants de la rue principale du "village" (je peine à employer ce mot pour le coup) achèvent de ruiner notre faculté d'admiration; "comme toutes ces choses ne me font pas envie !" disait Socrate en marchant dans les rues commerçantes d'Athènes. Et difficile de ne pas songer à Jésus chassant les marchands du Temple. Enfin, c'est comme ça, ne soyons pas trop "puristes" ou "intégristes", notre époque est pleine d'accommodements (raisonnables) et d'arrangements pragmatiques. En matière de "souplesse" morale et culturelle, je m'y connais plutôt bien !
Collonges-la-Rouge est l'autre lieu touristique le plus fréquenté du coin, environ 500 000 visiteurs par an; "un rubis dans un écrin de verdure" écrit le journal La Vie corrézienne (cahier spécial de juillet 2020), qui nous apprend que c'est à Collonges qu'est née en 1982 l'association des Plus Beaux Villages de France, sous la férule de Charles Ceyrac, maire emblématique de la commune (de 1965 à 1996) et président du conseil général de Corrèze. L'objectif était de lutter contre la désertification rurale en valorisant le patrimoine des villages; la population de Collonges (appelée la Rouge à partir de 1969 en raison de la couleur des maisons et des bâtiments construits avec le grès rouge des environs) est passée de 400 à 450 habitants entre les années 1960 et 2000; bilan mitigé par conséquent; l'autre objectif de Ceyrac était d'éviter le "village-musée"; or Collonges est totalement un village-musée ! Il n'y a que des boutiques et des restaurants. Pour donner le change, le journal La Vie corrézienne nous invite à prendre notre temps, à nous enfoncer dans les petites ruelles du village, dans ses endroits discrets et "authentiques" ! C'est ce que j'appelle l'idéologie "Guide du Routard": c'est bien d'y aller mais à condition d'en sortir un peu !
Ce que nous faisons, pour nous rendre à Meyssac, la commune d'à côté, beaucoup plus "authentique", avec de "vrais habitants", de vrais commerces, et de bien belles maisons tout aussi rouges que celles de Collonges ! Côté vélo, ça monte et ça descend (Victorine aime les routes de crêtes), surtout pour atteindre Turenne, autre "Plus Beau Village de France", perché sur un piton rocheux, ancienne forteresse et cité vicomtale autonome, qui attire aujourd'hui son petit lot de touristes. Hélas, nous ne pouvons y rester, et le temps nous manque même pour visiter l'intérieur du village et ses hôtels particuliers Renaissance. C'est la contrainte du vélo: il faut prévoir une bonne journée pour effectuer une cinquantaine de km tout en visitant deux ou trois lieux, et en laisser de côté deux ou trois. Notre nouvel hébergement se trouve à Objat, et il faut passer par Brive pour y aller; une quarantaine de km par conséquent.
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 4 autres membres