En attendant le Déluge

En attendant le Déluge

Un accident est si vite arrivé !

 

    C'est bien beau de s'interroger sur une possible guerre mondiale, de deviner les symptômes d'un effondrement civilisationnel, de scruter les signes d'une crise économique dévastatrice, encore faudrait-il être capable de prévoir sa propre vie: un accident est si vite arrivé ! 

    Je suis donc tombé à vélo en me rendant à mon travail: luxation du coude droit, six semaines d'arrêt, le bras en écharpe. On ne lésine pas avec la résine ! Me voilà cloué à domicile, réduit à écrire de la main gauche, sous le regard d'Ovni qui semble me narguer de toute sa souplesse. Je me sens un peu gêné, un peu étrange, voire égaré; le handicap évidemment ralentit les gestes et oblige à une précision vigilante qui peut sembler soucieuse; on est donc en décalage par rapport aux autres, et les commentaires vont bon train: quel veinard ! six semaines de repos ! selon les uns, ah non, c'est pénible comme situation, selon les autres. Victorine veille sur moi, m'aide beaucoup, mais mon handicap joue comme un "repli sur soi" de type confortable voire égoiste qui peut déplaire.

    J'ai cru utile de donner du travail à mes élèves par la voie numérique; à quoi bon ? Un prof remplaçant a très vite été nommé; un type fort jeune et très sûr de lui selon Victorine; eh bien qu'il se débrouille ! Je vais de mon côté entamer une période de lecture approfondie; un ami m'a prêté deux romans de Jean Raspail, Sire et L'anneau du pêcheur; je vais continuer aussi mes livres d'histoire, celui du jeune historien P. Girard sur la guerre d'indépendance d'Haïti, celui de Clausewitz sur la guerre en général au début du XIXe; et j'ai encore d'autres livres.... sous le coude !

  De mon passage à l'hôpital, une journée, j'ai retenu l'impression d'une intense activité très hiérarchisée, avec bien peu de place et de temps pour "faire la causette"; j'aurais bien aimé savoir comment s'y est pris le chirurgien pour me replacer le coude; j'aurais aimé connaître la composition du produit anésthésiant qui m'a fait dormir profondément pendant vingt minutes; j'aurais aimé en savoir plus de la part de cet infirmier qui en salle de réveil parlait de son récent séjour à Kaboul; mais je n'ai rien pu dire d'autre que "ça alors !" au moment de rouvrir les yeux- Dans la chambre, ensuite, j'ai un peu discuté avec mon voisin, lui aussi tombé de vélo le matin (il y avait du verglas) et fracturé au fémur: un retraité de 68 ans, ancien agent France Télécom, un monsieur très nerveux qui n'a pas aimé qu'on le laisse souffrir pendant deux ou trois heures sur un brancard, avant de passer en salle d'opération; les infirmières font de leur mieux, lui ai-je répondu; il en a convenu, et on a parlé d'autre chose, de vélo notamment.

   Il m'a conseillé de changer ma chaîne, car une chaîne usée abîme le dérailleur, etc. Là dessus on a essayé de dormir; je n'y suis pas arrivé. Le temps pour le corps et l'esprit d'évacuer les produits bizarres de l'hospitalisation.                 

 



25/01/2020
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