Reprise des sports
Le coronavirus a bouleversé le calendrier des sports; toutes les compétitions ont été arrêtées: les championnats de foot, de rugby, les courses cyclistes du printemps... Je donne ces exemples qui correspondent à mes préférences. Pendant le confinement les exercices physiques d'intérieur ont été valorisés: entretiens et renforcements musculaires, assouplissements, séances de "cardio"; la marche et le footing autour de chez soi ont permis de se déconfiner légèrement. On a donc entendu des personnes se féliciter de cette situation: arrêt d'un côté de l'indécence du sport professionnel avec ses joueurs milliardaires et son dopage, ses trafics, sa corruption et ses trucages, et développement d'un autre côté de la pratique amatrice, saine, raisonnable, libre.
Si l'on veut. Mais j'ai déjà signalé mon scepticisme à l'égard de cette "vision" très bien-pensante du confinement, partagée par de nombreux écolo-bobo fonctionnaires. Une vision qui divise le monde en deux camps, les bons et les mauvais, les gentils et les méchants, les affreux professionnels et les doux amateurs, Trump et les démocrates, etc. ne peut me satisfaire. Les situations ne sont jamais fixées, elles évoluent, elles bougent, et parfois elles se superposent, il arrive même qu'elles se confondent; telle est ma "vision" des choses. Mais soyons un peu plus concrets.
Dans le domaine sportif, qui attire aujourd'hui mon attention (et la vôtre ?), j'observe par exemple que ma modeste pratique très amatrice du vélo n'est pas très régulière, et qu'elle dépend dans une certaine mesure du spectacle des courses professionnelles; l'absence du Tour de France cet été a beaucoup diminué ma motivation et mon entrain à monter sur le vélo. Que les coureurs professionnels utilisent des produits spécifiques pour s'entraîner et si possible pour gagner ne me gêne aucunement; c'est leur choix. Ils sont grands et savent ce qu'ils font (enfin j'espère). Mon admiration pour eux reste totale; ce sont des "artistes" du vélo, capables d'accomplir des performances extraordinaires, et faisant preuve d'une habileté et d'une hardiesse qui me laissent pantois, notamment quand ils descendent les cols à 100 à l'heure. Sur mon vélo de course, j'essaie de faire un peu comme eux, à 50 à l'heure de moins, mais j'essaie quand même de bien fléchir la jambe et de bien pencher le corps dans les virages, je fais attention aussi à la position de mes mains sur le guidon. Dans les montées, je divise aussi par deux: quand les "pros" roulent à 25, moi je monte à 12-13. Ce principe me convient plutôt bien pour le moment, il constitue mon repère, ma boussole. Tout cela pour dire, enfin, que la pratique amatrice d'un sport ne saurait être étrangère et opposée à sa pratique professionnelle; le haut niveau des amateurs rejoint même les performances des professionnels; et leurs méthodes d'entraînement se ressemblent.
La grande différence se fait au niveau des enjeux, des gains et du spectacle; le jeune journaliste "indépendant" Romain Molina dénonce l'évolution du foot professionnel en fonction des seuls intérêts financiers des investisseurs et des "agents" de joueurs (véritables trafiquants ou "maquignons"); selon lui, le "manque à gagner" des clubs professionnels ne vient pas de l'arrêt des compétitions, comme le prétendent leurs dirigeants, mais du "gel" des transferts; on objectera que les deux sont tout de même un peu liés; toujours est-il que les clubs professionnels français ont appelé au secours, réclamé et en grande partie obtenu l'aide financière de la fédération; une aide fort substantielle (environ 30 millions d'euros sans doute); mais rien du tout pour le foot amateur, qui continue de s'appauvrir, fait observer Romain Molina. Une chose est sûre: le coronavirus et le confinement n'ont pas du tout changé le "modèle" économique du foot professionnel; les aspirations au changement sont restées du domaine des bons sentiments et des généreuses intentions; le cynisme des intérêts et des trafics a de beaux jours encore devant lui.
Parlons spectacle pour finir; avec la reprise des compétitions depuis une quinzaine de jours, j'observe des choses un peu bizarres, pour ne pas dire risibles et ridicules dans la "configuration" Covid qui est imposée aux médias télé. Les matchs de foot sans supporters dans des stades quasiment vides (quelques centaines de personnes autorisées) ne semblent guère affecter finalement les "professionnels", qui jouent avec autant de motivation (ou aussi peu, selon les cas) et proposent depuis quelques jours des matchs "spectaculaires" (Ligue des Champions) commentés de façon hystérique et délirante par un certain Yoann Riou sur la chaîne L'Equipe TV*. Celle-ci a mis au point un dispositif Covid que je me contente de décrire: Yoann Riou et Candice Rolland (parité oblige) commentent le match en étant séparés par une cloison en plastique qui tremble au moindre mouvement; mais quand l'excitation augmente, Yoann Riou accourt sur le plateau de l'émission où se trouvent quatre ou cinq "consultants", non masqués, non séparés de plus d'un mètre, et il se jette alors sur l'un d'entre eux, le serre dans ses bras et lui exprime son effusion délirante (quand un club français vient de marquer un but par exemple); le présentateur est alors obligé en souriant de signaler le rappel des "gestes barrières", mais que personne ne respecte sur le plateau de l'émission; il en va de même à l'extérieur, dans les bars de supporters (par exemple à Lyon) dont la télé nous montre les images: aucun masque, des embrassades déchaînées, et des mêlées d'enthousiasme.
*: Pour masquer le vide et le silence des tribunes, les chaînes de télé diffusent un bruit d'ambiance qui fait croire à des stades combles. On peut s'attendre bientôt à des images de synthèse donnant l'illusion que les tribunes sont pleines ! Les médias sont capables de tout.
Quant au spectacle cycliste, le port du masque ne semble de mise qu'en présence des caméras de télé, quand un coureur est interrogé, quand les journalistes présentent la course (Marion Rousse arbore un masque rouge parfaitement assorti à sa robe noire); mais pendant la course elle-même les coureurs évidemment ne portent pas de masque (alors qu'ils se frôlent les uns les autres et qu'ils projettent des milliards de gouttelettes de leurs bouches parfois grandes ouvertes) et je doute fort que les journalistes aient gardé le leur au micro; en tout cas leurs voix ne sont pas du tout atténuées ou voilées; cela dit je peux me tromper, car les micros sont aujourd'hui de très bonne qualité.
Le spectacle cycliste a donc repris et de plus belle, notamment lors du Tour de Lombardie marqué par la chute "spectaculaire" du jeune prodige belge Remco Evenepoel, 20 ans, qui était annoncé comme favori pour sa première participation à cette course très technique et très exigeante qui se déroule autour du lac de Côme, sur des routes très escarpées. Le jeune coureur n'a lui-même pas démenti qu'il se sentait en pleine forme et que le statut de favori ne lui faisait pas peur; il s'est trop démasqué, selon moi, d'autant plus que son point faible, son "manque de technicité sur le vélo", pour parler comme Cyrille Guimard, était précisément dans le collimateur de ses adversaires, qui n'ont donc pas hésité, tel Vincenzo Nibali, très expérimenté coureur italien et déjà double vainqueur de la course, à prendre tous les risques dans la périlleuse descente de Sormano. Voulant suivre à tout prix, Evenepoel s'est raté dans un virage et a volplané par dessus le muret d'un petit pont de pierre. L'accident a fait le tour des médias télé et des réseaux sociaux.
On a beaucoup moins parlé en revanche, car il n'y avait pas d'images, de la mort du coureur belge Bjorg Lambrecht survenue sur le Tour de Pologne le 5 août; sous la pluie, il a perdu le contrôle de son vélo et a violemment heurté un bloc de béton: déchirure du foie et hémorragie interne. Le cyclisme, professionnel ou amateur, est un sport dangereux, et il faut être très doué et très habile, très sûr de soi, de sa technique, pour déjouer tous les pièges de la route. Quant aux petits amateurs comme moi, qui ne sont pas en compétition, et qui n'ont pas les qualités "cyclistes" des pros et des amateurs de haut niveau, on ne peut que leur conseiller la plus grande prudence. Quand il n'y a rien à gagner il faut éviter de tout perdre.
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