En attendant le Déluge

En attendant le Déluge

Sarkozy peut-il revenir ?

 

   Parlons un peu politique; j'apprends que François Hollande, qui essaie péniblement de vendre son livre en allant dans des écoles primaires pour dire aux enfants que ce n'est pas facile d'être président de la république, mais qu'il faut bien que certains se dévouent pour porter ce "lourd fardeau" (de l'homme blanc !), que le brave François, donc, a été chahuté par des gens qui se sont introduits dans l'établissement scolaire; une fois de plus, François est resté calme, disant aux enfants que le dialogue était toujours préférable aux insultes mais que ce dialogue était souvent impossible, etc. Il en a aussi profité pour dire que, "lui président", il aurait bien aimé lutter contre la "finance", mais que personne ne l'a vraiment aidé dans ce sens, et surtout par les financiers ! Décidément, cet homme n'a pas de chance, il incarne le dévouement, et même un genre de dévotion (sulpicienne) aux valeurs toutes molles et sucrées de la république, de cette république qu'il va présenter aux petits enfants à la manière d'une friandise très prisée... Oui, il y a vraiment un air de bon petit curé de campagne amateur de gâteaux et dispensateur de gentils conseils chez ce François Hollande qui s'est retrouvé, par esprit de sacrifice, président de la république en mai 2012.

 

   Entre deux ou trois livres d'histoire, j'ai aussi lu ces jours derniers le livre de Camille Pascal, Scènes de la vie quotidienne à l'Elysée, publié en 2012 (1), et qui raconte quelques épisodes des derniers mois passés par Nicolas Sarkozy à la présidence de la république. Camille Pascal, historien de formation, haut fonctionnaire, a fait partie des proches "collaborateurs" de Sarkozy, spécialisés dans la rédaction de quelques uns de ses discours; son livre ne tarit pas d'éloges sur le président (sinon il se serait intitulé "merci pour ce moment" !), sur ses qualités d'homme énergique et virevoltant, comme tous les Français ont d'ailleurs pu s'en rendre compte, mais aussi sur sa capacité de réflexion et d'écoute, son goût très sincère et très éprouvé pour la littérature (Barbey d'Aurevilly par exemple), alors que les médias (de gauche) et beaucoup de profs n'ont cessé de le caricaturer comme un président "inculte", "vulgaire", "méprisant", "parvenu", etc. A ce propos Camille Pascal en profite pour régler son compte à l'historien Emmanuel de Waresquiel, qui, invité à la table du président, et en compagnie d'autres "intellectuels", se permet d'arriver en retard et très mal vêtu, avec un air de vieil aristocrate dédaigneux à l'égard du président des bourgeois et des nouveaux riches ! Je cite Camille Pascal: "Le monsieur se prenait pour Chateaubriand et quelques jours plus tard, joignant l'indélicatesse à la grossièreté, il se permit de raconter, avec un petit ton de condescendance, la totalité du déjeuner dans le journal Libération. Les universitaires français souffrent souvent d'un complexe de supériorité intellectuelle, le comte Emmanuel de Waresquiel ajoutait à cela un complexe de caste, c'était à n'en pas douter un complexe de trop." (2)

 

(1): Plon, puis collection Points en 2013.

(2): pp. 191-192  

 

    Selon Camille Pascal, la défaite de Sarkozy face à Hollande est navrante, car les Français ont préféré un type banal, "normal", et même quelconque, à un véritable homme d'Etat, qui précisément ne doit surtout pas être quelqu'un d'ordinaire ! Car la mondialisation oblige les nouveaux chefs d'Etat à montrer des talents diplomatiques extraordinaires; on ne peut plus se contenter de la posture autoritaire, "droite" et "unidimensionnelle"d'un De Gaulle; avec les médias virulents et insolents d'aujourd'hui il faut au contraire multiplier les postures, les "virages", dire tout et son contraire, enfumer, bluffer, mentir, trahir, avoir plusieurs portables tout en jurant de n'avoir qu'une seule parole; Sarkozy est l'homme qu'il faut ! Tel est, tel était sans doute le sentiment de Camille Pascal.

    Oui, mais voilà, il y a "l'extrême-droite" ! dont il n'est guère question dans les scènes très élyséennes et très protégées, brillantes et lustrées, miroir mon beau miroir, que brosse à reluire monsieur Pascal; la navrante défaite de Sarkozy s'explique aisément: le centre et l'extrême droite ne se sont pas vraiment ralliés à lui; et près d'un quart des Français se sont abstenus ou ont voté blanc/nul au deuxième tour. A force de multiplier les postures le président sortant et candidat à sa succession a évidemment donné l'impression de l'imposture; son image de président des riches, malgré la scène racontée par Pascal où il s'emporte au téléphone contre le PDG de Peugeot qui veut licencier des ouvriers, n'a jamais pu être effacée de l'opinion publique; et malgré quelques bons discours de type "souverainiste" voire "populiste" (inspirés par Patrick Buisson), la ratification du traité de Lisbonne (2007) puis l'expédition punitive contre Khadafi en Libye (2011) n'ont pas vraiment été vues comme des actes "souverainistes", servant les intérêts de la France, mais plutôt comme des opérations sous influence étrangère. Internet, enfin, de plus en plus renseigné et virulent sur les questions géopolitiques, a enfoncé le clou placardant l'image d'un Sarkozy "atlanto-sioniste"...

  

   Le "problème" de Sarkozy, en conclusion, évident à travers le livre de Pascal, c'est qu'il consulte trop de gens, et des gens de tous bords, qui semblent le fasciner et qu'il cherche de son côté à fasciner ! Il en résulte donc une politique d'illusions et d'effets (mais qui ne s'attaque pas aux causes), une politique ambiguë qui sème le trouble (et qui sème le trouble récolte les ténèbres ?). Tous ces gens, en effet, collaborateurs, conseillers et autres consultants, coûtent sans doute bien cher aux contribuables et creusent le gouffre des dépenses publiques; monsieur Pascal se garde bien de nous dire quels ont été ses émoluments pour écrire une petite vingtaine de discours. De Gaulle, lui, écrivait tout seul comme un grand !

   Un dernier point: Sarkozy peut-il revenir ? et revenir comme un "homme providentiel" après une petite "traversée du désert" de 10 ans ? C'est un rumeur qui commence à circuler. Pour réussir cette chose, assez improbable aujourd'hui, il faudrait évidemment une aggravation de la situation, voire un état de crise, interdisant une réélection de Macron et dissuadant une majorité de Français de porter au pouvoir un candidat "insoumis" ou une candidate extrémiste et inexpérimentée face aux terribles risques d'une "explosion" sociale; dans ce cas, en effet, Sarkozy pourrait avoir une carte à jouer: celle d'un chef autoritaire, énergique, apparemment soucieux de son pays mais doté aussi et surtout d'un riche carnet d'adresses mondialiste... Ne riez pas, c'est sérieux.         

 

  Si vous voulez en savoir plus, ci-dessous le reportage de BFM TV diffusé ces derniers jours, où l'on voit un Sarkozy auteur, homme d'affaires et "parrain"; sur youtube cette vidéo a provoqué (déchaîné) des commentaires sans concessions et que je partage. Une chose à retenir parmi d'autres: Sarkozy en tant qu'ancien président (et il faut toujours l'appeler "monsieur le président" sinon il n'est pas content) coûte plus de 800 000 euros par an aux contribuables, tout en ayant ses propres revenus d'homme d'affaires: c'est ainsi qu'il donne des conférences pour des grands groupes privés (entre 100 000 et 200 000 euros la prestation, cela dit deux fois moins que Obama !); il siège également dans des conseils d'administration (là aussi plusieurs centaines de milliers d'euros pour quelques heures de présence par an, et pas grand chose à faire !) - Bref, si tout cela était un spectacle on devrait dire: remboursez ! C'est un spectacle ?             

 

 

                                         

 



24/02/2020
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