En attendant le Déluge

En attendant le Déluge

On peut s'interroger

 

 

   Oui, on peut s'interroger sur les performances françaises dans trois sports majeurs et très médiatisés, le foot, le cyclisme et le tennis. C'est l'Italie qui hier soir est devenue championne d'Europe de football en battant l'Angleterre aux tirs aux buts, après un match sans doute intense sur le plan physique et athlétique, car l'arbitre eut à siffler de nombreuses fautes, mais qui au total ne fut pas un très beau spectacle; j'ai plusieurs fois râlé contre les choix trop défensifs des deux équipes, les maladresses techniques des attaquants (notamment l'avant-centre italien, le bien nommé Immobile, que j'ai trouvé fort peu mobile....), contre le public "anglais", enfin (le match ayant lieu à Wembley), qui s'est montré très "unfair play" en sifflant constamment les actions italiennes. Quant à la séance des tirs aux buts, je n'ai pas bien compris le choix des tireurs anglais, de très jeunes joueurs; car c'est un exercice qui en général convient mieux aux joueurs expérimentés qui ont de la ruse. Pas étonnant que ce soit donc le pays de Machiavel qui l'ait emporté. 

 

   Et la France alors ? Son équipe nationale de foot a été éliminée à la surprise générale par la discrète équipe de Suisse; le jeu "français" a beaucoup déçu, les spécialistes de la tactique ont eu bien du mal à identifier ou à définir ce jeu; les choix de Didier Deschamps, le sélectionneur, ont été jugés étranges voire incohérents; le sentiment que des "choses" un peu louches se sont jouées dans les coulisses ou dans les vestiaires s'est donc répandu dans une partie de l'opinion publique. Une chose est sûre: les sponsors officiels de cette équipe de France ont dû remballer prématurément leurs objets publicitaires, et l'engouement médiatique attendu n'a pas eu lieu. Certains ont même parlé de "fiasco"; encore un mot italien, je crois. 

 

  Quant au cyclisme et au Tour de France qui sont au coeur de mon activité chroniqueuse de ce mois de juillet, là non plus pas de quoi chanter La Marseillaise... Très vite l'idée d'une victoire française a été abandonnée: Alaphilippe, le meilleur "espoir" national, n'est pas parvenu à suivre les meilleurs dès que la pente de la route s'est accentuée; Guillaume Martin, le coureur-philosophe, est incapable de remporter une étape; son ambition est à présent de figurer dans les dix premiers du classement général. Le Breton David Gaudu a été malade, s'est rétabli, mais accuse un retard très important aujourd'hui (27 minutes) sur le leader Pogacar. On ne trouve que cinq coureurs français dans les trente premiers du classement général; c'est très faible quand on sait que les coureurs français sont de loin les plus nombreux sur le Tour. Mais il faut dire aussi que huit d'entre eux (sur un total de trente-trois) ont abandonné depuis le départ de Brest. 

    Bernard Hinault, dernier vainqueur français du Tour en 1985 (cela fait donc 36 ans !), n'y va pas avec le dos de la cuillère quand on lui demande les raisons des faibles résultats des coureurs français actuels; ils n'en veulent pas assez, "ils n'ont pas faim", ils sont trop dans le confort, ils "sont tout le temps en stage", ils ne se frottent pas aux meilleurs, ils ne font pas assez de courses, bref ce sont des petits fainéants ! Cet avis un peu "rustre" n'est évidemment pas partagé par les "spécialistes" du cyclisme moderne, qui constatent que le peloton est devenu beaucoup plus international et "mondialisé" qu'autrefois; dans les dix premiers du Tour de France 2021, on trouve un Slovène, un Colombien, un Danois, un Equatorien, un Australien, un Hollandais, un Kazakh, un Français et deux Espagnols (classement à la date du 12 juillet). Enfin, et surtout, certains "spécialistes" du milieu, directeurs sportifs et autres  (je pense à Marc Madiot), tentent plus ou moins de nous faire comprendre que les coureurs français sont "propres", et ne sont pas intéressés en tout cas par certaines "logiques" de performances (disons, des logiques dopantes). Au demeurant, la mondialisation du Tour est à présent favorable à la logique médiatico-commerciale qui impose ses désirs à l'organisation française de l'épreuve, incarnée par le suave M. Prudhomme. 

 

    Certains diront (discours "zemmourien" du "suicide français") que le Tour est donc un bel exemple du "déclin" de la France, puisque celle-ci ne sert plus que de décor à une épreuve dominée par des équipes et des sponsors des pays "émergents": Emirats arabes unis, Bahrein, Israël, Kazakhstan, Australie... Ce point de vue doit être évidemment corrigé: comme le rappelle Laurent Jalabert, la plupart des courses et des compétitions ont encore lieu en Europe, et tous les coureurs sont quasiment obligés de résider entre la France, l'Espagne et l'Italie (d'où sans doute les choix de Monaco et d'Andorre comme lieux privilégiés de résidence...), ou entre la Belgique, l'Allemagne, l'Angleterre, les Pays-Bas et la Suisse (sans oublier le Luxembourg !). Quant aux équipes, même si elles s'appellent UAE-Emirates ou Bahrein Victorious, elles sont basées en Europe et dirigées par des Européens; et elles ne comptent aucun coureur "arabe". Enfin, et surtout, le Tour de France reste une épreuve populaire qui est ancrée dans "nos territoires" et "nos collectivités", comme l'a signalé hier le premier ministre Jean Castex lors du passage du peloton dans la commune de Prades (Pyrénées Orientales) dont il était le maire avant d'être appelé à Matignon. Par ailleurs, les retombées médiatiques et commerciales du Tour profitent largement aux territoires et collectivités en question. A un niveau supérieur, on pourrait dire aussi que ce grand spectacle sportif télévisé et diffusé à travers le monde entier contribue au "soft power" ("pouvoir doux") de la France, c'est à dire à son attractivité économique et géopolitique. 

 

    Mais on peut quand même s'interroger sur les faibles résultats français; notamment au tennis, un sport que j'ai cessé de regarder à la télé depuis une bonne vingtaine d'années. Autrefois, quand c'était encore diffusé sur une chaîne publique, le tournoi sur gazon de Wimbledon donnait de belles impressions d'élégance et de vitesse; on peinait d'ailleurs à suivre les trajectoires de la petite balle blanche; mais on appréciait les revers, les volées et les aces. Le seul joueur français de l'ère "moderne" à s'être distingué sur le gazon londonien est aujourd'hui un peu oublié, Cédric Pioline, finaliste en 1997 (il fut balayé en trois sets par l'Américain Pete Sampras). Aujourd'hui, le tennis français est en crise, une "crise profonde" selon Ouest-France, même si le tournoi de Wimbledon a permis à des joueurs de second plan qui jouent encore, tel Nicolas Mahut, d'obtenir une certaine notoriété (1). Mais en regardant rapidement les résultats de cette année, j'ai été frappé par la forte représentation des joueurs (et joueuses) des pays de l'Est: outre le vainqueur, le Serbe Novak Djokovic, on a pu voir en quarts de finale un Polonais, un Hongrois et un Russe; chez les dames, enfin et surtout, les Tchèques Muchova et Pliskova ont brillé, proposant un "tennis chatoyant et nuancé, bien plus agréable à regarder que le "boum-boum" de la dernière décennie" s'est félicité le journaliste de Ouest-France (12 juillet). 

    Et bien tant mieux; tout ce qui est chatoyant et nuancé mérite d'être salué, surtout en notre époque d'interrogations un peu sombres et parfois simplistes. 

 

(1): Le joueur français Nicolas Mahut est devenu célèbre en 2010 en disputant à Wimbledon le match le plus long de l'histoire du tennis professionnel: il dura 11 heures et cinq minutes, et se termina au cinquième set sur le score de 70-68 en faveur de l'Américain Isner.                            

      

 



12/07/2021
1 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 4 autres membres