The Queen
La chaîne Arte rediffuse The Queen, film de Stephen Frears sorti en 2006; un bon film, très académique et légèrement polémique, puisqu'il est consacré à l'attitude de la Reine Elizabeth suite à la mort accidentelle de Lady Diana, le 31 août 1997 à Paris. La presse britannique et beaucoup de journaux étrangers dans une moindre mesure ont reproché à la famille royale une certaine indifférence et froideur. Le film montre nettement l'antipathie du Prince Philipp à l'égard de Diana, tandis que la Reine est avant tout attentive à son rôle politique et au respect de sa neutralité. Le nouveau Premier ministre britannique, Tony Blair, parvient de son côté à se saisir (et à se servir) de l'émotion publique; l'un de ses conseillers en communication invente l'expression "Princesse du peuple" pour désigner Diana, et mieux l'opposer ainsi à une famille royale qui se coupe au contraire de ses "sujets".
La "popularité" de Diana fut largement l'oeuvre des médias et de la presse "people" ; ce n'était donc pas une vraie popularité au sens politique; investie et engagée dans différentes "causes humanitaires" (Sida, pauvreté mondiale, mines "anti-personnel", cancer...), l'ex Princesse de Galles (un titre qu'elle avait pu conserver par courtoisie après son divorce du Prince de Galles) menait une existence des plus nomades, d'hôtel en hôtel, de yacht en yacht, de villa en villa, de jet en jet, de grosse berline en grosse berline... Sa vie sentimentale (et psychologique) fut compliquée; de nature sportive et "artiste", Diana ne trouva aucune affinité véritable dans la famille royale, même si le Prince Charles pratiquait le polo et peignait des aquarelles, tout en continuant à fréquenter sa maîtresse, Camilla (Le film français Palais Royal, avec Valérie Lemercier dans le rôle de la Princesse, s'inspire un peu de la vie de Diana). Très vite le couple le plus célèbre du monde (dont le mariage en 1981 avait été suivi par près de 800 millions de téléspectateurs) défraya la chronique par ses aventures réciproques et antagonistes. La famille royale et la Reine virent leur réputation ébranlée; et ce d'autant plus que les classes populaires de Grande-Bretagne subissaient alors la politique "néo-libérale" de Margaret Thatcher, qui ne touchait en revanche à aucun des privilèges de la monarchie (ses immenses propriétés et ses exemptions fiscales). L'arrivée au pouvoir du candidat "travailliste" (Labour Party) Tony Blair, élu en mai 1997, annonçait de grandes réformes sociales... On sait depuis qu'il n'en fut rien et que Tony Blair mena une politique tout aussi néo-libérale, malgré ses apparences "sociétales", que celle de Thatcher.
Le film de Stephen Frears montre une Reine plutôt très avisée qui parvient en quelques jours à renverser en partie l'opinion publique; sur l'insistance de Tony Blair, elle accepte de rentrer à Londres et de prononcer une allocution de cinq minutes en hommage à Diana; avec son mari le Prince Philipp elle fait quelques pas devant l'immense parterre de fleurs à l'entrée du Palais de Buckingham (on parlera d'un million de bouquets déposés !), puis elle va saluer la foule émue. Certains bouquets contiennnent pourtant des messages terribles contre la famille royale ("vous avez du sang sur les mains", etc.). Mais le respect et le recueillement l'emportent. Tony Blair, enfin, et contre l'avis de certains conseillers, a choisi de favoriser un "apaisement" de l'opinion publique; le film semble suggérer qu'il a pu influencer certains journaux dans ce sens.
Evidemment, les "choses" ne se sont sans doute pas produites de cette façon. Les secrets de la famille royale britannique sont bien gardés, et la discrétion de la Reine, en particulier, relève d'une stratégie de communication bien établie depuis fort longtemps. Cela favorise bien entendu toutes sortes de rumeurs et de théories du complot: que l'accident de Diana aurait été provoqué par les services secrets britanniques (pour mettre fin à la liaison de la "Princesse du peuple" avec le fils du milliardaire égyptien et marchand d'armes, Doddi Al-Fayyed...), et que la Reine elle-même, par la longévité de son règne (depuis 1952), serait "au courant" d'un certain nombre de complots qui ont touché des grandes puissances et des grandes personnalités, voire, qu'elle serait membre elle-même de le secte des Illuminati ! (il suffit de lire certains commentaires d'internautes postés sous les vidéos des allocutions de la Reine...). Le film de Stephen Frears peut donc sembler trop "académique" et trop "lisse", nous donnant à voir une Reine bien placide, émue par la nature et la vue d'un grand cerf sur la lande de Balmoral, tandis que l'indispose le "spectacle" télévisé de l'émotion populaire engendrée par la mort de Diana. Certains critiques déplorent la naïveté ou la "gentillesse" du film, qui soulève certains "problèmes" (le contrôle des médias par le pouvoir par exemple) mais ne les traite pas vraiment. Mon avis est au contraire plutôt très positif; je suis un partisan, d'une manière générale, des films "paisibles" et "vraisemblables", où les dialogues sont d'une certaine tenue. The Queen me convient donc très bien.
Peut-être, est-ce aussi pour le modeste français que je suis, vivant sous un régime républicain, une façon de s'évader des circonstances actuelles, entre la décapitation d'un prof d'histoire et le reconfinement de la population... Faible hypothèse j'en conviens.
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