En attendant le Déluge

En attendant le Déluge

Un peu de géo

 

    La saison scolaire touche à son terme; on aperçoit les dates des derniers conseils de classe; je profite de cet horizon (d'attente) pour enseigner un peu de géo, qui est la science des projets et des perspectives. Ici on songe à l'union européenne, souvent présentée comme un "processus" d'intégration. Le manuel de Terminale en expose avec complaisance les objectifs et les réalisations: l'ouverture des frontières et des territoires semble être le leitmotiv de ce "processus"d'intégration, qui est sans cesse relancé; on en devine la raison: comment intégrer en effet des territoires qui se désintègrent par les effets de leur ouverture ? Comment concilier le capitalisme libéral du grand marché mondialisé et la protection des environnements et des populations ? Cette question est timidement évoquée à travers un document relatif à la politique agricole commune, qui porte bien mal son nom, puisqu'elle est engagée depuis dix ans dans la voie de la libéralisation commerciale qui met en concurrence les pays européens entre eux. Tout un dossier est consacré à la puissance allemande, qui semble avoir tiré profit de la libéralisation grâce à ses grandes entreprises (automobiles, agro-alimentaires...) et à leurs stratégies d'investissement et d'emploi à bas coût vers l'Europe de l'Est; et les disparités salariales sont de plus en plus fortes sur le territoire allemand. La politique de l'union européenne tend à favoriser les creusements des inégalités de revenus entre les zones dites attractives (métropoles) et les zones dites périphériques (vastes zones rurales "sous-connectées"). 

     En Première est abordée la question des flux numériques, qui justement réorganise un peu les économies occidentales en accentuant (aggravant ?) la délocalisation et la circulation des productions. Mais l'intensification des flux, grâce à des ordinateurs et des serveurs de plus en plus puissants (Amazon Web Service), crée des phénomènes de convergences et de concentration géographiques; pour l'instant sans trop de dangers apparents; mais la perspective suivante n'est guère rassurante: la population mondiale est précipitée vers des zones de fixations des emplois et des "opportunités" sociales. Les périphéries rurales non-connectées se vident de leurs habitants. Et dans certaines grosses villes, la concurrence et l'oppression se déchaînent. Enfin, la menace militaire doit être prise en compte: les objectifs stratégiques sont aujourd'hui les réseaux de communication et les centres d'impulsion des flux (villes, data centers); en quelques frappes "chirurgicales" toute l'organisation économique d'un pays est pulvérisée. Les sociétés post-modernes sont hyper-vulnérables. 

     En classe de Seconde, j'évoque des sociétés d'un autre type, où les risques se posent différemment: il s'agit de l'Afrique australe, région du monde fort mal connue ici en France, malgré les quelques images ou opinions "publicitaires" liées à la "nation arc-en-ciel"; le manuel de géo n'élude pas les très grandes difficultés sociales et démographiques de l'Afrique du Sud en dépit de la fin de l'apartheid depuis trente ans; mais il n'aborde pas la question de la criminalité et des spoliations de toutes sortes qui ont explosé depuis les dix dernières années dans ce pays, il ne dit pas mot non plus de la corruption grotesque qui règne dans la classe dirigeante. Présentée dans les années 2000-2010 comme une puissance émergente très attractive pour les investisseurs, la nation arc-en-ciel s'est recouverte d'un épais nuage de déficits et de dysfonctionnements de toutes sortes. Le capitalisme le plus corrompu s'y exerce en toute impunité, entraînant des situations de violence effarante à l'encontre des populations les plus fragiles (immigrés des pays voisins, petits propriétaires terriens isolés...). 

    Un peu de géo, disais-je, mais je crois que ça suffit.

                                

 



03/05/2022
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